Vincent Courtillot souhaitait montrer que « le géologue a plus à apprendre au climatologue que celui-ci n’en a conscience » - mais la partie "climat" de l'ouvrage est émaillée d'inexactitudes.
 

Vincent Courtillot est un orateur brillant et cultivé. Dans ce « Nouveau voyage au centre de la Terre », un ouvrage plutôt technique, l’auteur dresse avec éloquence un panorama des sciences de la Terre, de leur histoire, des grandes découvertes et controverses qui ont fait émerger, au cours des dernières décennies, une compréhension du fonctionnement de la Terre dite « interne ».
Ainsi, la deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à la « descente aux enfers – le paradis du géophysicien ». Vincent Courtillot dessine l’émergence d’une science de la « vie de la Terre », planète en mouvement permanent, décrivant la découverte de la tectonique des plaques, ses conséquences sur la formation des grands « traps » - ces empilements gigantesques de laves basaltiques- mais aussi ses causes. Au passage, il mentionne les relations entre la paléogéographie de la Terre et son climat, explorées grâce à la modélisation du climat. Ce voyage vers les profondeurs de la Terre décrit ainsi l’état des connaissances sur la structure en couches de la Terre, les mouvements des fluides et leur instabilité. L’ouvrage montre précisément ce qui a façonné la culture scientifique de Vincent Courtillot, ce patient travail de détective pour comprendre le fonctionnement de cette Terre interne si proche et si difficile à connaître précisément et donc à modéliser. Paléomagnéticien, il  s’intéresse à la position des continents, à ces fameux points chauds, et à la formation du champ magnétique terrestre au travers du fonctionnement du noyau de notre planète.
Dans la troisième partie de l’ouvrage, « Colères de la Terre et extinctions de masse », Vincent Courtillot revient sur les épisodes de formation des traps au cours des temps géologiques. Il illustre cela par une analyse, grâce à la modélisation de la circulation atmosphérique, du panache du Laki, cet épisode de volcanisme de trap islandais de 1783. Vincent Courtillot décrit les anomalies météorologiques complexes suivant cet impact (dont des épisodes de réchauffement qui ne peuvent pas s’expliquer simplement par l’effet « parasol » des aérosols volcaniques), mais également ses conséquences en termes de qualité de l’air et de mortalité en Europe. A partir de cet exemple historique bien documenté, l’auteur revient sur les impacts de ce super-volcanisme « géologique » sur le cycle du carbone et le climat aux longues échelles de temps (millions d’années) : émissions massives de dioxyde de carbone et réchauffement du climat au travers d’une augmentation massive de l’effet de serre, suivis de phases d’altération des laves entraînant à l’inverse une forte diminution de la concentration de gaz à effet de serre et donc un refroidissement du climat. Il décrit également l’impact que ces éruptions volcaniques massives, parfois très brutales, peuvent avoir sur l’environnement à travers la production de soufre, pouvant avoir un impact colossal sur l’atmosphère terrestre, les écosystèmes terrestres, l’acidification des océans et les écosystèmes marins. Il souligne la corrélation entre l’occurrence des grandes extinctions et les épisodes de « pulses » de formation de traps et suggère ainsi que ces extinctions d’espèces ont été provoquées par les conséquences globales d’épisodes de volcanisme massif. Il propose que ce soit la conjonction de la formation des traps du Deccan et de l’impact de la météorite de Chixculub qui ait agi de concert pour expliquer l’extinction des dinosaures lors de la limite Crétacé-Tertiaire.

Terre interne et Terre externe

Vincent Courtillot se met en scène, avec ses collaborateurs, au sein de cette histoire des sciences de la Terre, soulignant les controverses, les polémiques, et les stratégies expérimentales pour infirmer ou confirmer les différences théories, souvent formulées à partir de corrélations et de calculs d’ordres de grandeur. A juste titre, l’auteur souligne au fil des différents chapitres les interactions entre la Terre « interne », et la Terre « externe », à savoir le climat et l’environnement global, à l’échelle des temps géologiques. Fort de cette compétence sur l’histoire de la Terre, Vincent Courtillot quitte « les enfers, paradis du géophysicien » pour l’élever vers les enveloppes externes de notre planète, et  s’interroge, dans la première partie de son ouvrage, sur « qui contrôle le climat », non pas à l’échelle géologique, mais au cours des derniers siècles. Et là, force est de constater, pour la climatologue que je suis, que la lecture de ce chapitre est extrêmement décevante car entachée d’une succession d’erreurs, de présentation tronquée de résultats, et d’attaques permanentes contre ce que Vincent Courtillot appelle « la pensée politiquement correcte » sur le climat. L’auteur s’insurge contre les critiques formulées vis-à-vis de ses quelques publications sur l’évolution récente du climat, se posant en victime et suggérant que la communauté des climatologues est fermée sur elle-même et n’accepte pas le débat. Notons que, parmi les nombreux séminaires donnés par Vincent Courtillot au cours des dernières années, il n’a guère cherché à présenter ses résultats dans les laboratoires des sciences du climat.  Il suggère que les échelles de temps des climatologues sont brèves, de la décennie au siècle, ce qui est particulièrement étonnant et témoigne d’une méconnaissance totale des travaux de paléoclimatologie, qui confrontent reconstructions paléoclimatiques et modélisation du climat pour des échelles de temps allant des temps géologiques aux derniers siècles, en passant par les glaciations et les instabilités abruptes du climat…

Les inexactitudes commencent dès la présentation du système climatique. Vincent Courtillot présente de manière très brève la différence entre météorologie et climat, et le système climatique, puis distingue trois principaux facteurs qui, selon lui, font varier le climat : les variations d’apport en énergie solaire, liées à l’activité du Soleil ou bien à l’orbite terrestre ; les variations abruptes du climat, qu’il attribue à « un aspect chaotique » du système ; et la tectonique des plaques, à travers la position géographique des continents et le couplage entre tectonique des plaques, volcanisme de traps et variations de la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère.  Il est surprenant que, dans un ouvrage qui comporte une annexe entière dédiée à l’intérieur d’autres planètes, Vincent Courtillot ne présente pas ce qui régule le climat des différentes planètes : d’une part, l’énergie solaire reçue (modulée par la distance au Soleil), et d’autre part, l’effet de serre lié à la composition des différentes atmosphères planétaires. Il est également étonnant qu’il n’aille pas plus loin dans la physique des phénomènes en jeu, pourtant bien documentée grâce à la moisson d’informations disponibles sur l’ensemble de l’atmosphère et des océans. Il faudrait bien évidemment préciser ce qui contrôle la température moyenne à la surface d’une planète, une variable physique qui a un sens et qui résulte des échanges de rayonnement avec l’espace, en le différenciant de ce qui contrôle la température dans une région donnée, où les processus de transport de chaleur par l’océan et l’atmosphère s’ajoutent aux processus radiatifs.

Pour permettre au lecteur de comprendre comment le climat réagit à une perturbation, il faudrait introduire la notion de forçage radiatif, une notion de base qui permet de comparer l’impact de différents processus sur le bilan radiatif de la Terre, et expliquer bien au-delà de la seule notion de « CO2 » comment fonctionne le mécanisme d’effet de serre et la contribution des différents constituants de l’atmosphère à cet effet de serre. A de nombreuses reprises, Vincent Courtillot parle de « corrélations » entre température et CO2 pour caricaturer les sciences du climat, qui, depuis plusieurs décennies, vont bien au-delà de corrélations pour décortiquer les processus en jeu, grâce à une double approche d’observations tri-dimensionnelles, d’étude de processus physiques, et de modélisation numérique. Dans sa présentation générale du système climatique, Vincent Courtillot ne décrit pas du tout ce qui fait l’essence même de ce système climatique, à savoir sa capacité de produire des rétroactions complexes, non linéaires, et des réactions brutales, liées à des effets de seuil : ainsi, les instabilités rapides du climat glaciaire, qu’il présente comme « chaotiques », sont maintenant bien comprises à partir des observations paléoclimatiques, paléocéanographiques et des simulations conduites à l’aide des modèles de climat comme le résultat de changements de circulation océanique de grande échelle, produite par des variations de salinité et de densité de l’eau de mer, en relation avec les épisodes d’apport massif d’eau douce par les calottes glaciaires.

Ainsi dans la liste non exhaustive des inexactitudes du livre, je souhaite aussi indiquer que, Vincent Courtillot mentionne, page 20, que « les Vikings ont colonisé un Groenland qui était vraiment vert, comme le nom qui lui a été donné ». La lecture des sagas islandaise est particulièrement enrichissante à ce propos, et explique clairement qu’Erik le Rouge a choisi ce nom non pas parce que le climat du sud Groenland était particulièrement clément par rapport à celui de l’Islande, mais pour attirer de nouveaux colons. Toutes les données sur le climat, la végétation du sud Groenland montrent  de petites variations et certainement pas des changements majeurs d’extension de glace – la frange sud du Groenland présentait, il y a 1000 ans comme aujourd’hui, une petite étendue côtière non recouverte par l’inlandsis, avec une végétation de type toundra. Je note également que la figure 2.2, mentionnée par l’auteur comme l’évolution de la teneur en CO2 mesurée à Mauna Kea, à Hawaii, est en réalité une reconstruction des variations de cette teneur en CO2 depuis la période pré-industrielle, à partir d’un ensemble de forages dans les névés et glaces de l’Antarctique. Et, d’ailleurs, les plus anciennes mesures de CO2 ont été conduites à Mauna Loa, mais pas à Mauna Kea! Cette figure est enfin tronquée, s’arrêtant en l’an 2000, masquant par là même les variations récentes de cette composition atmosphérique, atteignant actuellement le niveau record de 386 ppm dans l’atmosphère.
Vincent Courtillot souhaitait montrer que « le géologue a plus à apprendre au climatologue que celui-ci n’en a conscience ». Comme lors d’une longue discussion avec l’auteur, j’ai abordé son ouvrage avec curiosité et ouverture d’esprit – ayant poursuivi le chemin inverse, m’étant d’abord intéressée à la dynamique de l’atmosphère pour ensuite m’interroger sur les variations climatiques passées...

Le GIEC suspect ?

Les scientifiques du climat font un effort colossal pour produire, régulièrement, des synthèses de l’état des connaissances, les fameux rapports du GIEC, le Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat. Vincent Courtilllot se montre très critique sur la notion de consensus scientifique et sur le GIEC, mais a-t-il lu ce dernier rapport de synthèse ? Le chapitre 6, sur les climats du passé, commence par présenter l’état des connaissances sur les variations du climat à l’échelle géologique, et, sans surprise, confirmées – mais sans le dire – par le livre de Vincent Courtillot. Celui-ci présente également dans son ouvrage des estimations des changements de température en Europe ou en Amérique du nord, à partir de ses propres traitement des mesures météorologiques, soulignant qu’ils ne ressemblent pas à l’évolution de la température moyenne de la planète publiée par le GIEC… mais a-t-il regardé la figure 9.12 du 4ème rapport du GIEC, qui montre sans ambiguïté les différentes tendances régionales de température ? Les moyennes refaites par Vincent Courtillot confirment les figures publiées dans le rapport du GIEC. Je crains que Vincent Courtillot, malgré son érudition, sa curiosité, n’ait pas lu ce rapport scientifique, au mieux, peut –être seulement son résumé de synthèse. C’est comme si je faisais une critique du livre de Vincent Courtillot en me basant sur le résumé figurant en 4ème de couverture…  La lecture de l’ouvrage montre également une dualité dans l’approche de Vincent Courtillot, qui s’intéresse aux modèles de circulation générale de l’atmosphère et du climat pour simuler la dispersion du panache du Laki ou l’impact de la paléogéographie sur le climat, mais répète à plusieurs reprises à quel point on ne peut pas se fier à des outils numériques aussi complexes.

Tout le travail des climatologues consiste non pas à décrire une corrélation climat et gaz à effet de serre, mais à décortiquer les processus en jeu pour comprendre l’ensemble des facteurs responsables des variations de température. Sur ce dernier point, l’approche de Vincent Courtillot et ses collaborateurs est particulièrement opaque. Son ouvrage n’explique absolument pas comment il construit une courbe de température moyenne (Figure 2-3), présentée sans échelle verticale, sans référence à ses sources, et absolument pas cohérente avec les autres estimations de la température moyenne à la surface de la planète. La production de cette série a été l’objet de critiques d’autres climatologues, comme Edouard Bard et Gilles Delaygue, dont les arguments – très pertinents – ne sont absolument pas mentionnés ici : pas un mot sur les sources de ces données ni sur le traitement statistique qui a été appliqué. Ainsi, le travail de référence de l’équipe de l’Autrichien Reinhard Böhm, qui a exploité les informations météorologiques les plus anciennes, autour des Alpes, n'est pas mentionné.

Les reconstructions des changements passés de température, avant la période dite « instrumentale », sont décrites de manière toute à fait incomplètes, présentant par exemple les travaux de Luterbacher, historien du climat suisse, comme issus de données météorologiques et dendrochronologiques, alors que ce dernier a déployé des efforts originaux pour intégrer principalement des données météorologiques anciennes, des informations historiques (englacement de cours d’eau), et quelques enregistrements issus des glaces du Groenland et de séries dendrochronologiques;  Vincent Courtillot confronte deux reconstructions de température du dernier millénaire, ignorant l’ensemble de reconstructions discutées et comparées en détail dans le 4ème rapport du GIEC, dont les conclusions sur le caractère exceptionnel du réchauffement récent intègrent les reconstructions de Moberg, présentées ici comme indépendantes ! On note également des inexactitudes sur la référence aux travaux dans les forages polaires, avec par exemple la mention de 800 000 ans d’histoire du climat à Vostok, en Antarctique, alors qu’il s’agit du forage EPICA Dome C…  Vincent Courtillot montre, en Figure 2-4, des variations de température sur 2000 ans à partir d’analyses d’isotopes stables, en citant les travaux d’un collègue, Jan Veizer – géologue, spécialiste des longues échelles de temps également. J’ai eu beau chercher dans la littérature scientifique, impossible de mettre la main sur une référence de base pour cette courbe. Jan Veizer, contacté par email, m’a fourni l’explication : il s’agit d’une figure tirée d’un article de Scherer et al (Space Physics, 2007), et dont la courbe climatique provient de mesures isotopiques d’une stalagmite de la grotte de Spannagel, dans les Alpes centrales…   Reste à comprendre ce que représente cet enregistrement isotopique en terme de climat à grande échelle.


Vincent Courtillot consacre un long paragraphe à présenter comment les rayons cosmiques peuvent jouer sur le fonctionnement du climat, parvenant de manière surprenante à proposer une quantification de leurs effets à travers les changements de couverture nuageuse de basse altitude – il serait intéressant de lui demander comment cette estimation a été produite, et sur quelles bases physiques…  De là, il suggère des liens étroits, à partir de corrélations qui fonctionnent parfois, entre activité solaire et climat, puis entre champ magnétique et climat, sans, pour le dernier point, aucune quantification des relations possibles (exemple particulièrement frappant de la figure 3.4). De manière surprenante,  il ne présente aucune analyse précise des relations entre activité volcanique et variations climatiques récentes, alors que c’est un sujet majeur d’études touchant de beaucoup plus près à son domaine de prédilection. Notons en particulier la présentation de températures moyennes « minimales » présentées comme des températures moyennes, ou bien un lissage statistique « ad hoc » présenté en termes de « durée de vie de température », une notion qui me semble incomparablement plus opaque qu’une estimation de température moyenne. Et, pour finir, il est surprenant que, dans la présentation même des mesures météorologiques, les « belles données » compilées par les collaborateurs de l’auteur, il ne soit dit mot des incertitudes de mesure, de tout le travail de dépouillement et d’homogénéisation des mesures, tout ce travail de métrologie de l’atmosphère pourtant abondamment décrit dans la littérature scientifique. Vincent Courtillot suggère, à de nombreuses reprises, que les présentations des « tendances » des données météorologiques masquent des informations régionales, mais oublie de montrer la comparaison des différentes estimations, indépendantes, de la température moyenne de la Terre, très convergentes.
Vincent Courtillot, qui, à partir de comparaison de corrélations entre courbes, a suggéré des liens entre climat, activité solaire, champ magnétique terrestre, se place en victime : dans son histoire scientifique personnelle, il a souvent combattu des idées reçues, bataillé, et, ainsi, participé à la construction des sciences de la Terre. Pour le climat, il est surpris des critiques publiées suite à ses propres publications, suggérant qu’il dérange un consensus bien établi, suggérant que les recherches sur le climat sont monolithiques. Il ne se remet jamais en cause, ne décrit pas, dans cet ouvrage, ne répondant pas aux les questions posées sur les données météorologiques présentées en 2004 comme la température moyenne globale, ou bien sur ses propres inexactitudes concernant la quantification des changements d’ensoleillement terrestre, lors des cycles de 11 ans d’activité solaire.

Habilement, Vincent Courtillot mêle quelques analyses de données météorologiques ponctuelles et régionales, et de leurs corrélations avec des paramètres tels que l’activité volcanique ou magnétique, avec un discours qui n’exclut pas un (petit) rôle pour le surplus de gaz à effet de serre, mais suggère que des mécanismes amplificateurs mal connus liés par exemple aux rayons cosmiques pourraient être à l’œuvre : son texte est truffé de sous-entendus vis-à-vis des sciences du climat, présentées comme une communauté fermée à toute suggestion, et d’attaques plus ou moins précises contre certains collègues très médiatisés. Au final, Vincent Courtillot livre le fond de sa pensée : fort de ses analyses, mais peu informés de la réalité des travaux scientifiques en question (il ne cite ainsi que très peu d’exemples de la littérature scientifique, de journaux comme Nature ou Science, mais plutôt des revues de vulgarisation),  il met en cause le fait qu’on puisse connaître, comprendre et quantifier les facteurs clés de l’évolution du climat. En réponse aux critiques, parfois imparables, qui ont été publiées pour expliciter ses erreurs, il se pose en victime, criant à la pensée unique, et conseillant aux lecteurs, non pas de lire les articles scientifiques ou de s’informer sur les sciences du climat « à la source », mais d’aller chercher leurs informations sur les blogs français ou américains dits « sceptiques » ! Etrange attitude de la part d’un éminent scientifique.

Dans ses conclusions, Vincent Courtillot plaide pour l’importance fondamentale de l’observation – un avis que je ne peux que partager -,  exprime sa méfiance vis-à-vis de modèles numériques complexes, sans avoir jamais vraiment expliqué comment un modèle de climat est construit, mis au point, testé pour sa capacité à représenter correctement les grands traits du climat actuel, des variations récentes ou des grands changements passés. Il plaide pour l’élaboration de théories qualitatives simples, ce qui, finalement, est peut-être sa marque de fabrique, mais, pour des domaines où, justement, les observations sont multiples, comme pour les enveloppes externes de la Terre, est largement dépassé. 
Prenons ainsi l’exemple des relations entre activité solaire et climat : Vincent Courtillot suggère des liens étroits, même pour les périodes récentes. Force est de constater que le démarrage de « l’optimum climatique médiéval » (quel terme européo-centrique, d’ailleurs) ne peut s’expliquer simplement par une augmentation d’activité solaire, la séquence entre les deux séries n’ayant pas tout à fait l’ordre attendu par une théorie aussi simpliste. Les observations des profils verticaux de température de l’atmosphère montrent également sans aucun doute, que le réchauffement récent des basses couches, et le refroidissement de la haute atmosphère ne peuvent absolument pas s’expliquer par une augmentation d’activité solaire (qui entraînerait un réchauffement partout) mais sont tout à fait cohérents avec l’impact de l’augmentation d’effet de serre sur les échanges radiatifs. 

Une dynamique "simple et belle" de la Terre externe

Heureux, à l’issue de cet ouvrage, de présenter une image assez « simple et belle » de la dynamique de la Terre interne, Vincent Courtillot  souligne ses doutes vis-à-vis des sciences du climat, ce système qu’il présente comme si complexe, puisque, volontairement, il n’a pas présenté les sciences physiques du climat, tout en indiquant, comme le fait fréquemment son ami Claude Allègre, sa préoccupation vis-à-vis de l’acidification des océans, et des ressources limitées en pétrole.

Dans cette conclusion, Vincent Courtillot reprend les images d’Aristote, qui avait comparé les mouvements de la Terre interne et de son atmosphère, insistant déjà sur les convections de ces fluides. Il oublie, encore une fois, toute la physique des transferts radiatifs, qui fait de l’atmosphère un fluide très particulier. Vincent Courtillot, au-delà de ses critiques des sciences du climat, termine en s’interrogeant sur les politiques publiques, soulignant des causes qui lui semblent plus urgentes que la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre, comme les ressources géologiques ou hydrologiques, et précisant que le géologue, lui, sait résoudre ces problèmes.  Vincent Courtillot n’a pas choisi par hasard de prendre un titre issu des romans de Jules Verne : digne héritier du « scientisme », il est convaincu que la science et la technique pourront résoudre tous les problèmes. Humblement, au vu de l’état des connaissances sur le risque climatique lié aux rejets anthropiques de gaz à effet de serre, je crains qu’il ne se trompe lourdement : au-delà de la science et de la technique, c’est bien un changement de civilisation qui se dessine, pour reprendre les mots d’Edgar Morin.