Quatorze contributions dressent un panorama de la vitalité de la pédagogie inspirée des travaux de Paulo Freire dans le monde.

L’Anthologie internationale de pédagogie critique est le premier ouvrage en langue française qui se donne l’ambition de réunir des contributions de plusieurs spécialistes de différents pays afin de dresser un panorama de la vitalité, dans le monde, de la pédagogie critique – cette pédagogie qui se situe dans la continuité de l’œuvre du pédagogue brésilien Paulo Freire. L’anthologie réunit quatorze contributions couvrant huit pays différents. Certaines reprennent des textes qui ont déjà été publiés en langue française, mais plusieurs étaient inédits en français et certains ont été rédigés pour l’occasion. L’ouvrage a été coordonné par Irène Pereira, également signataire d’une introduction qui situe la réception française de l’œuvre en vis-à-vis de sa réception internationale, nettement plus foisonnante. En effet, en langue anglaise, par exemple, plusieurs centaines d’ouvrages ont été consacrés au sujet.

La première partie de l’anthologie, intitulée « Lectures de Paulo Freire », présente plusieurs textes d’exégèse du pédagogue brésilien. La première contribution est celle du Professeur Moacir Gadotti, Professeur émérite de l’Université de São Paulo et Président honoraire de l’institut Paulo Freire du Brésil. Il s’agit d’une conférence donnée à Paris en 1991 où il présente l’itinéraire de Paulo Freire. Le deuxième texte est celui de Luiza Cortesão, Professeure émérite de l’Université de Porto et directrice de l’Institut Paulo Freire du Portugal. Elle revient dans sa contribution sur la continuité qu’il est possible de percevoir au sein de l’œuvre de Paulo Freire. Le troisième texte est signé par José Eustaquio Romão, Professeur à l’Université Nove de Julho (Brésil) et Secrétaire général du Conseil Mondial des Instituts Paulo Freire. A l’occasion du cinquantenaire en 2018 de Pédagogie des opprimés, ouvrage majeur de Paulo Freire, il revient sur la genèse de cette œuvre et sur l’enquête qui a permis la redécouverte récente du manuscrit original. Le quatrième texte est de Peter Mayo, directeur de l’Institut Paulo Freire de Malte. Il revient sur la question du langage et de la colonisation dans l’œuvre de Paulo Freire. Enfin, le dernier texte de la première partie a été rédigé par Antonia Darder. Il s’agit d’une des plus importantes figures de la pédagogie critique aux Etats-Unis qui a coordonné plusieurs anthologies de référence sur le sujet. Son texte porte sur la place centrale de la notion d’amour dans l’œuvre de Paulo Freire.

La deuxième partie de l’anthologie s’intitule « Transferts de la pédagogie freirienne ». Il s’agit en effet, comme l’a écrit Paulo Freire, non pas de le copier, mais de le réinventer. C’est pourquoi cette deuxième partie s’attache à présenter la diversité des réceptions de Paulo Freire dans différents pays du monde. Le premier texte est celui de Bruno Barronnet, enseignant-chercheur à l’Université de Veracruz (Mexique). Il y présente l’influence de l’œuvre de Paulo Freire sur l’éducation dans les communautés indigènes néo-zapatiste du Chiapas. Trois contributions sont ensuite consacrées au Canada. Tout d’abord l’article de Claudie Solar, Professeure à l’Université de Montréal, reprend un texte, « Dentelles de pédagogie féministe », qui a été inaugural pour la réception de la pédagogie féministe en langue française. Ensuite, un chapitre est signé par Gina Thésée et Paul Carr, qui ont initié la chaire de l’UNESCO en « Démocratie, citoyenneté mondiale et éducation transformatoire ». Leur contribution porte sur la pédagogie critique anti-raciste. La dernière contribution canadienne est celle de Maryse Potvin, Professeure à l’UQAM. Elle porte sur la pédagogie inclusive. Pour les Etats-Unis figure l’apport de Noah de Lissovoy, de l’Université d’Austin, qui s’intéresse à la notion de communauté en pédagogie en s’appuyant sur la notion de « communs ». Pour l’Europe, deux contributions sont présentes. Celle d’Isabelle Collet, enseignante-chercheuse à l’Université de Genève. Elle présente les recherches qu’elle y mène en pédagogie féministe dans la formation des enseignant-e-s. Enfin, Elise Deveilhe, docteure de l’Université de Caen, introduit la pédagogie critique de la norme qui a été développée en Suède en particulier dans le domaine de l’éducation à la sexualité.

La dernière partie de l’anthologie est intitulée « Perspectives freiriennes et épistémologies du sud ». Elle revient sur l’influence qu’à eu Paulo Freire sur le sociologue portugais de renommée internationale Boaventura de Sousa Santos, auteur entre autres d’Epistémologies du Sud   . Le premier chapitre intitulé « Pédagogie du conflit » est un texte inédit en français de Boaventura de Sousa Santos. Il est suivi d’une contribution d’Inês Barbosa de Oliveira, Professeure à l’Université d’État de Rio de Janeiro, visant à mettre en perspective l’oeuvre de Boaventura de Sousa Santos relativement à son impact dans le domaine de l’éducation.

L’Anthologie internationale de pédagogie critique a donc pour ambition de devenir un ouvrage de référence, qui permettra aux lecteurs francophones de se faire une idée d’une partie de la réception de Paulo Freire dans le monde. Cet ouvrage prend une résonance particulière au moment où l’œuvre de Paulo Freire est contestée au Brésil même par le gouvernement d’extrême-droite de Jair Bolsonaro. Face à cette position du nouveau gouvernement, des articles parus dans la presse dans différents pays rappellent à quel point Paulo Freire est un auteur bénéficiant d’une importante renommée dont l’œuvre est enseignée dans les plus prestigieuses universités du monde.