Le dernier numéro de la revue CinémAction questionne les représentations violentes au prisme du droit, du discours critique et de l’analyse filmique.

Ce CinémAction n°167 est consacré à  l’étude croisée des rapports entre violence, censure et cinéma, principalement – mais pas seulement  –  dans le secteur français. Les textes rassemblés traitent à la fois des mécanismes de régulation institutionnelle, et des œuvres transgressives (ou jugées telles). Cette approche, qui croise analyses internes des œuvres et étude de leurs conditions de circulation, de diffusion et réception, permet à cet ouvrage collectif de couvrir de nombreux aspects de la question censoriale.

 

« Censure » et « violence »

Le terme de « censure » est ici employé au sens large de régulation et de classification, puisque, comme le démontre d’ailleurs l’ouvrage dans le détail, il s’agit, dans l’écrasante majorité des cas, non d’interdire mais de classer et de réguler les représentations – même si certaines classifications constituent de facto une forme de censure économique (en empêchant un film de rencontrer un public suffisant pour lui permettre de rentrer dans ses frais).

Le phénomène de la « violence » et la régulation de ses représentations sont ainsi examinés au prisme d’interrogations juridiques, esthétiques, et éthiques. La définition et l’extension même de la notion de violence dépendent d’ailleurs, comme le montrent les textes réunis ici, de critères institutionnels et culturellement situés – ceux qui distinguent la violence légale, définie par un État qui « s’arroge le monopole de la violence licite », et la violence illégale, donc sanctionnée par ce même État.

 

Présentation générale du numéro

Les textes sont écrits dans un style clair et accessible. Chacun d’entre eux est précédé d’un bref résumé qui en synthétise les enjeux et la perspective. On peut regretter leur brièveté, toutefois celle-ci permet d’avoir une grande diversité d’approches et d’études de cas. La plupart des textes constituent en fait plutôt des synthèses que des études de cas. Sans avoir vocation à tout dire sur leurs objets, ils ont le mérite de traiter des corpus larges qui, bien qu’ancrés dans le contexte contemporain, traversent l’histoire et les courants cinématographiques, ouvrant des pistes de recherche nombreuses et fructueuses. Le numéro comporte des images en noir et blanc, et la mise  en page produit des effets de rapprochement parfois étonnants, comme celle qui, page 134, réunit une photographie du président de la commission de classification des œuvres cinématographiques, et une image tirée du film japonais Quand l’embryon part braconner.

La revue se divise en trois parties, distinguées à la fois par  les thématiques et par les  ères culturelles traitées. La première partie, focalisée sur le secteur français, retrace « la violence institutionnelle et jurisprudentielle du cinéma en France ». Elle est composée à la fois d’analyses éclairant le fonctionnement des mécanismes de régulation, et d’études plus ponctuelles sur des œuvres ayant donné lieu à des polémiques lors de leurs sorties, sanctionnées ou non par des classifications restrictives. La deuxième partie étend la réflexion à d’autres aires géographiques et culturelles, principalement les Etats-Unis, mais également les cinémas britannique ou latino-américain.  La troisième partie, « D’autres violences en images », élargit encore la perspective au-delà du cinéma, pour s’intéresser à la circulation de représentations violentes dans les médias et dans la société contemporaine, et retracer les tentatives de cadrage juridique et social de ces dernières.

 

« La violence au croisement du droit et du cinéma »

L’introduction de Jacobo Ríos Rodriguez, rappelle la polysémie du terme « violence », et la complexité de ce phénomène, qui ne se limite pas aux définitions juridiques qui tentent de la circonscrire. La première partie du numéro aborde donc la régulation des représentations violentes, et les processus légaux, fluctuants selon les époques et les contextes, qui président à la définition de la notion de violence.

 

« La violence, la nouvelle censure du cinéma français ? »

Comme le souligne Albert Montagne dans un tour d’horizon opéré en préambule, la violence intéresse moins les chercheurs travaillant sur la censure que son « alter ego censorial », la sexualité. A. Montagne relève d’ailleurs la confusion entre ces deux catégories, sexualité et violence, dans certaines œuvres contemporaines, lorsqu’il écrit que « la violence au cinéma aujourd’hui est sexuelle et horrifique ». L’auteur retrace l’histoire des délimitations censoriales en France, en s’appuyant sur les travaux de Christophe Triollet pour en retracer les grandes étapes juridiques : l’arrivée de « l’ixification » en 1975, les classifications selon les âges, la censure économique constituée par l’interdiction aux moins de 18 ans, et les aléas récents ou relativement récents de cette dernière, supprimée en 1990 puis rétablie « le 12 juillet 2001 avec l’affaire Baise Moi ». Il nomme aussi les œuvres, plus ou moins récentes, ayant fait l’objet de débats ou d’interdictions, fournissant ainsi un cadre éclairant aux études de cas qui suivent. Amorçant une réflexion qui sera poursuivie tout au long du numéro, A. Montagne rappelle qu’aux côtés  de critères « objectifs », les instances de régulation et de classification mobilisent aussi  des critères « subjectifs » qui prennent en compte des caractéristiques liées à la dimension plus ou moins artistique (la « recherche esthétique ») de l’œuvre examinée. On rejoint ici des questionnements inséparables de toute réflexion sur la régulation des représentations, comme l’ont montré, par exemple, les aléas des définitions légales de la notion d’obscénité aux Etats-Unis (voir, à ce propos, les travaux Gerald M. Rosberg, « Justice Brennan and the Law of Obscenity », 11 Pace L. Rev. 455, 1991).

Outre les interrogations de principe, l’évocation de possibles désaccords entre différentes instances de classification, par exemple entre les « membres de la Commission » et les décisions prises en cour d’appel, montre la complexité des dispositifs sociaux de régulation des représentations, et notamment les deux systèmes parallèles que sont d’un côté les instances de classification des films, et de l’autre le Code Pénal régulant la diffusion de contenus transgressifs. D’autres instances seront d’ailleurs mentionnées dans le numéro, notamment l’intervention de pouvoirs locaux régulant la diffusion du paratexte promotionnel dans l’espace public. Le relevé exhaustif des films interdits aux moins de 18 ans permet à l’auteur de dégager les critères employés par les instances de classification, et de déterminer que « sexe et violence sont à quasi-égalité », différence majeure entre la période contemporaine et la période antérieure, entre 1975 et 1981, qui se focalisait prioritairement sur la sexualité.

A. Montagne relève, du point de vue des œuvres, à la suite de C. Triollet, « l’escalade des pratiques » dans les années 1990, constat sans doute justifié, mais qui pourrait être affiné par une différenciation plus précise entre les différents types de violences cinématographiques, et entre les œuvres étudiées. Ainsi, il n’est pas sûr que les œuvres qu’A. Montagne, citant C. Triollet, résume sous l’appellation efficace de « triomphe du hard-crade », soient à mettre dans la même catégorie que les films violents, mais légitimés par la critique, de Quentin Tarantino, mentionnés par l’auteur un peu plus loin. Les stratégies de transgression et d’excès qui se jouent dans des films d’auteur légitimés par la critique, dans les films de genre ciblant un public spécifique, ou dans les films pornographiques jouant d’effets de surenchère, sont en effet  bien distinctes, bien que ces trois catégories partagent des traits communs, liés à l’hypervisibilité et aux excès corporels divers.

 

« La violence et l’horreur boudées par le cinéma français »

Christophe Triollet  s’interroge sur les raisons de la faiblesse (quantitative et qualitative) des productions horrifiques françaises actuelles, et tente de comprendre le peu d’intérêt du public français pour ces dernières. Il énumère un certain nombre de facteurs pour expliquer cet état de choses, notamment les déprogrammations de films d’horreur par crainte des débordements du public (sujet traité dans un article ultérieur du numéro).

L’explication avancée par l’auteur réside dans le classement des œuvres par le CSA pour  leur diffusion télévisée, qui, assez restrictif, a un impact sur les politiques de financement des chaines de télévision, et rend les investisseurs réticents à financer des films d’horreur, à quelques exceptions près. Les mécanismes décrits par C. Triollet ont d’ailleurs une incidence non seulement sur la quantité, mais sur la forme et la teneur des films produits, puisque les films sont, d’après lui, souvent coupés pour anticiper et éviter une classification qui pourrait avoir des conséquences économiques néfastes, selon une logique que l’auteur qualifie justement d’« autocensure ». Cette étude offre un aperçu intéressant de la manière dont un système de régulation dessine en amont les contours de la production cinématographique nationale.

 

« Baise-moi, un film emblématique du XXIème siècle »,

Marion Poirson-Dechonne s’intéresse au film de Virginie Despentes et de Coralie Trinh Thi, étude justifiée notamment par le fait que le film ait été le  « premier film (…) interdit en France depuis 28 ans ». L’auteure y analyse  les représentations du sexe et  de la violence, et les différentes formes que prend le « réalisme » de ces dernières (formel, mais aussi documentaire). L’article interroge aussi le positionnement générique hybride du film, entre road movie et genre pornographique. La question du lien entre Baise-moi et le genre pornographique est intéressante, et mériterait sans doute d’être encore creusée, au-delà du constat de l’« accent porté aux scènes de sexe ». L’auteure souligne  la présence de représentations crues, et notamment d’« érections filmées en gros plan », élément dont on peut en effet considérer, à la suite de Linda Williams (Hard Core, Power, Pleasure, and the « Frenzy of the Visible », Pandora Press, Londres, Sydney, Wellington, 1990), qu’elles font partie de ces stratégies d’« hypervisibilité » constitutives du genre pornographique. Cependant l’importance, relevée par M. Poirson-Dechonne, de la violence et du choc, et la manière dont ces deux mécanismes rentrent précisément en contradiction avec la finalité habituelle du genre pornographique (le plaisir masturbatoire du spectateur), pourraient aussi être interrogées, afin de mieux définir les intentions des cinéastes par rapport à la notion contemporaine de « post-pornographie ». Le positionnement des représentations sexuellement explicites par rapport au genre pornographique est en effet un enjeu essentiel pour analyser les représentations contemporaines et leur inscription dans le contexte médiatique actuel, différent de celui des œuvres des années 1970 auxquelles l’auteure les compare.

 

« Sexe et violence dans le cinéma français : projet artistique ou simple effet de mode ? »

La volonté d’étudier les œuvres transgressives en situation est justement au cœur  de l’article d’Alain Brassart, qui traite également de Baise-Moi, cette fois mis en parallèle avec Irréversible (Gaspar Noé 2002), pour comparer les réceptions de ces deux œuvres, choisies pour l’ « intensité de la polémique qui a entouré leur sortie ». L’article se propose d’interroger la différence de traitement dont les deux films ont fait l’objet, puisque Irréversible a été interdit seulement aux moins de 16 ans avec avertissement, tandis que Baise-moi se voyait imposer le classement X, plus stigmatisant et plus pénalisant économiquement. Le choix de deux films d’auteur est cohérent avec l’évolution retracée par A. Brassart dans les décisions de la Commission : le passage d’interdictions touchant, dans les années  1980, des films « érotiques » standardisés, à des interdictions « visant plutôt les films d’auteurs » dans la période contemporaine.  Les films étudiés possèdent des points communs évidents : il s’agit de deux œuvres choquantes, en particulier par leurs représentations de scènes de viol, cas qui se situe précisément à l’intersection de la sexualité et de la violence.

L’étude combine une analyse interne des films, visant à dégager « le discours que proposent ces fictions, leurs qualités esthétiques (supposées ou réelles) » et l’examen de « leur réception dans la presse de l’époque », notamment l’importance accordée à « la personnalité des auteurs ». Cette approche, qui prend en compte le paratexte promotionnel, est essentielle dans le cadre d’une réflexion sur les dispositifs de régulation. En effet, comme le démontre l’auteur, la manière dont les films vont être reçus – et classés – dépend beaucoup de la catégorie dans laquelle « on » les place, et notamment de la manière dont leur cinéaste est ou non perçu comme « auteur ». Les analyses d’A. Brassart illustrent les remarques générales d’A. Montagne à propos de l’importance de la définition d’une œuvre comme plus ou moins « artistique », rappelant l’importance des processus de légitimation culturelle  dans le dispositif de régulation.

Son texte permet aussi d’ouvrir une réflexion sur ce qu’on pourrait appeler le « marketing du scandale », et la valorisation d’un certain cinéma d’auteur transgressif, et rejoint les analyses faites par  Mattias Frey dans son ouvrage consacré au « cinéma de l’extrême » (Extreme cinema. The transgressive rhetoric of Today’s art film culture, Rutgers University Press, 2016). A. Brassart définit la « marque de fabrique » du film Irréversible comme un certain mauvais goût transgressif, qu’il replace de manière convaincante dans un contexte sociologique obéissant à des stratégies de « distinction » au sens bourdieusien du terme. Son étude de réception permet de mettre au jour la construction réussie par Gaspar Noé d’une image d’auteur transgressive soigneusement orchestrée, qui trouve un corollaire dans la valorisation, par un certain courant critique, d’une réception « distanciée », insistant sur la nécessité de séparer jugement esthétique et jugement moral.

Là où Irréversible est montré comme étant, d’un certain point de vue, « sauvé » aux yeux des instances de classification, par son statut d’œuvre d’auteur, Baise-moi fait ici figure, à l’inverse, de « mauvais objet », traité pour cette raison avec plus de sévérité. A. Brassart interroge l’assimilation de Baise-moi à une œuvre pornographique par les membres de la Commission de classification des films, s’attachant au contraire à montrer la manière dont Baise-moi reprend, mais pour s’en distinguer, les codes du cinéma pornographique. Sa focalisation sur les intentions des deux réalisatrices est cohérente avec  la logique même des instances de régulation, qui interrogent la finalité des œuvres pour les classer – on se souvient, notamment de la célèbre définition par le juge Brennan, outre-Atlantique, de l’œuvre obscène comme celle qui vise à « susciter un intérêt lascif ». S’interrogeant sur ce qui a pu susciter la sévérité des membres de la Commission de classification, l’auteur propose l’hypothèse convaincante que c’est non pas uniquement le degré d’explicitation du film sur le plan de la crudité sexuelle, mais bien le « discours » du film, et le fait qu’il ait été réalisé par des femmes, qui a conduit à cette sévérité. Que l’on adhère ou non à l’interprétation de l’auteur, sa démarche consistant à considérer que derrière le jugement porté sur un film, surtout un film transgressif, on trouve des enjeux sociétaux qui le dépassent, est rigoureuse et éclairante.

 

« Quand l’embryon part braconner et rencontre la censure »

 Albert Montagne examine un autre cas significatif, l’interdiction aux - 18 ans du film de Koji Wakamatsu en 2007, qui n’avait, comme le note l’auteur, jamais suscité de polémiques depuis sa sortie en 1966, preuve de plus du caractère « situé » et contextuel des débats autour de la régulation. L’article revient sur « le décret du 23 février 1990  relatif à la classification des œuvres cinématographiques », « modifié le 12 juillet 2001 », dans le but de distinguer l’interdiction au moins de 18 ans des films X soumis à un « régime spécifique ». A. Montagne s’appuie notamment sur les rapports d’activité de la Commission de classification des œuvres. L’étude offre ainsi un exemple en acte de l’opposition, souvent caricaturée, entre censeurs et créateurs, retraçant le conflit entre, d’un côté, la Commission, et de l’autre, un agrégat composé de nombreuses instances qui dessine un « champ », au sens bourdieusien du terme, celui du « monde du cinéma », unissant « critiques, journalistes et universitaires de cinéma ».

Le texte revient aussi sur la complexité de la détermination des critères de classification, rappelant qu’aux côtés de critères « objectifs », comme l’absence de « plan de pénétration », existent d’autres paramètres, la question de la mise en scène, « la manière dont[les scènes]sont filmées et la nature du thème traité ». Autant de biais par lesquels des divergences d’opinion peuvent s’infiltrer, jusque dans les définitions des termes même de violence ou de pornographie. Le compte-rendu des discussions des membres de la Commission révèle d’ailleurs que la question même de déterminer si le film est ou non « violent » a fait l’objet de débats. Le texte offre ainsi un bon exemple d’exercice de faculté de juger en acte, et de la difficulté de se « déprendre de sa subjectivité », pour citer une des personnes interviewées.

 

« Antichrist de Lars Von Trier, une provocation au service du 7e Art »

 Magalie Flores-Lonjou s’intéresse aux tentatives répétées d’associations pour obtenir l’interdiction ou le classement d’Antichrist (2009) dans la catégorie d’œuvre pornographique. Cette étude de cas est l’occasion d’un rappel précis du fonctionnement des instances de classification des films et du statut singulier du cinéma, qui « marqué par ses origines d’art forain (…) bénéficie en France d’une police administrative spéciale, reposant sur un régime d’autorisation (…) subordonnant la projection d’un film à un visa d’exploitation ministériel, après avis de la commission de classification des œuvres cinématographiques ». L’auteure précise aussi qu’à la différence des projections en salles, les diffusions sur télévision ou en VOD ne sont pas soumises à la détention d’un visa. Cette plongée dans les rouages des mécanismes de régulation décrit précisément les différents acteurs à l’œuvre – ou en conflit –  pour réguler la circulation des images. La distinction, opérée par M. Flores-Lonjou, dans la seconde partie de son article, entre la transgression à l’œuvre chez Lars Von Trier, qui « nous montr(e) pas tout des actes de barbarie commis », et celle qui opère dans tel « film contemporain de torture pornographique », est intéressante, mais moins aboutie, car plus binaire. Par-delà l’opposition entre cinéma d’auteur audacieux et cinéma de genre plus codifié,  elle pourrait ouvrir la voie à une interrogation prenant en compte la manière dont une certaine « transgression d’auteur » a pu également s’uniformiser et se formater dans un contexte contemporain qui la valorise (voir, à ce propos, l’ouvrage déjà cité de Mattias Frey).

 

« Mathieu Kassovitz assassine les médias ».

C’est à un autre film et auteur mal-aimé des critiques (après avoir été porté aux nues par ces derniers) que s’intéresse David Da Silva. L’auteur distingue, dans l’œuvre de M. Kassovitz,  plusieurs types de représentations de la violence, d’un côté, une violence « froide et cruelle », de l’autre, celle des « films d’action américains », qu’il qualifie de « spectaculaire et distrayante ». Cette analyse des différentes formes filmiques que peut prendre la violence, certaines plus acceptables que d’autres, résonne avec les études consacrées, notamment, à l’arrivée de représentations violentes d’un nouveau genre, dans les années 1990 (voir à ce sujet les travaux de Stephen Prince, notamment Classical Film Violence, Designing and Regulating Brutality in Hollywood Cinema, 1930-1968, Rutgers University Press, 2003). Mais l’objet de son texte est une étude du discours critique, retraçant le basculement brutal de l’enthousiasme à la critique dévastatrice, entre La Haine (1995) et Assassin(s) (1996) changement abrupt où l’auteur voit la manifestation des limites de tolérance du milieu critique français, et le symptôme des mécanismes convergents de constitution d’une opinion.  

 

« Histoire(s) du sexe et de la violence dans le cinéma américain »,

Éric Peretti part  du constat de ce qu’il est d’usage de nommer, en anglais, le double standard : le fait qu’aux Etats-Unis, la violence, « aussi américaine que la tarte aux pommes » comme l’écrit Linda Williams dans Screening Sex, soit traitée avec plus d’indulgence que la sexualité par les instances de régulation. Son texte déroule la généalogie des œuvres nord américaines construites autour de la violence et de la sexualité – mêlées ou dissociées –,  construisant un parcours qui traverse les grandes œuvres transgressives jalonnant le cinéma nord-américain situé aux marges d’Hollywood, et tout particulièrement la nébuleuse qu’Eric Schaefer, dans un ouvrage célèbre (Bold! Daring! Shocking! True: A History of Exploitation Films, 1919-1959, Duke University Press, Durham, Caroline du Nord, 1999), a appelée « cinéma d’exploitation ».  L’article, organisé autour d’œuvres ou d’auteurs considérés comme des archétypes, examine la façon dont genres et sous-genres transgressifs se sont succédés en fonction de ce qu’on pourrait appeler des stratégies de différenciation et de surenchère. On pourrait ajouter à ce parcours à travers le cinéma des marges une autre filiation, issue d’un courant plus légitime, qui part du Psycho de Hitchcock, avec lequel Linda Williams faisait commencer le genre du slasher, et interroger aussi l’émergence de courants plus récents, notamment celui qu’on a appelé torture porn, dont on peut juger qu’il a, dans les années 2000, constitué la dernière incarnation de ce cinéma d’exploitation jouant de la surenchère (voir Michel Bondurand, « Les politiques sexuelles du torture porn », in Antoine Gaudin, Martin Goutte & Barbara Laborde (dir.), Représentations-limites des corps sexuels dans le cinéma et l’audiovisuel contemporains, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2017).

 

Perspectives anthropologiques

La perspective adoptée par les deux articles suivants n’est pas historique, mais plutôt anthropologique et esthétique, puisqu’il s’agit de brasser les films et les époques pour examiner, dans le cas de l’article de Sylvain Louet, le mécanisme du dégoût, et scruter, dans celui de Nadine Boudou, le motif du zombie. Dans son étude intitulée « Du dégoût de la violence à la violence du dégoût dans la cinématographie américaine », S. Louet interroge les liens entre répulsion et violence, abordant  un corpus éclectique de films allant des « classiques » comme Psycho ou Massacre à la Tronçonneuse  aux plus confidentiels Jennifer, sans oublier de tisser des liens avec des films qui n’appartiennent pas à proprement parler au genre de  l’horreur, comme L’Indigestion, de Melies (1902). La juxtaposition d’œuvres très diverses produit des effets de rapprochement éclairants, traversant l’histoire de l’horreur étatsunienne, réorganisée autour de  mécanismes ou thématiques récurrentes : le dégoût – inhérent à l’horreur, comme l’a exposé Noël Carroll (The Philosophy of Horror, or Paradoxes of the Heart, New York, Routledge, 1990) – ou l’opposition entre dedans et dehors. Ce parcours kaléidoscopique, qui explore notamment la série de films plus récente Saw et le sous-genre du torture porn, s’inscrit dans la lignée des travaux consacrés au genre de l’horreur et du gore, et fait resortir notamment les grandes tensions constitutives du genre, entre attraction et répulsion, ou entre narration et fascination scopique (voir notamment Philippe Rouyer, Le Cinéma gore. Une esthétique du sang, Le Cerf, collection 7e Art (n° 105), Paris, 1999).

La volonté d’inscrire son texte dans une perspective anthropologique étendue caractérise également le texte de N. Boudou intitulé « Le zombie : la dévoration à l’écran », qui retrace les variations et la genèse de la figure du zombie filmique, de ses origines vaudous et littéraires à ses incarnations plus récentes dans la culture populaire depuis La Nuit des Morts vivants, et interroge, dans une logique « symptomatique », leur place et leur fonction dans l’imaginaire occidental actuel. Il s’agit, pour l’auteure, de dégager les principes qui font du zombie une figure angoissante, en convoquant des catégories anthropologiques, le rapport à l’animalité  – et au cannibalisme – ou la peur de la contagion. N. Boudou s’interroge sur leur adéquation avec le « climat mental de notre époque », et définit les créatures comme des « opérateur(s) mythique (s) » qui reflètent les obsessions contemporaines (dans le secteur francophone, on peut se référer aux travaux de  Barbara Lemaître, notamment Zombie, une fable anthropologique,  Presses Universitaires de Paris Ouest, 2015).

 

« La violence horrifique dans Kill List »

 Jacques Viguier  s’intéresse à un cas qui « relève de la violence la plus brute », le film Kill List, de Ben Wheatley (2011). Son texte consacré à un film assez peu connu dont l’auteur pointe à juste titre la dimension singulière, analyse les représentations de la violence au sein du film en les confrontant à différents positionnements génériques, du film de tueur à gages aux genres du fantastique et de l’horreur, pour conclure à l’inclassabilité de cet objet étrange.

 

« La violence du cinéma latino-américain du début du XXIe siècle ».

C’est au lien entre contexte socio-culturel et représentations que s’intéresse Rhoda Desbordes-Vela, à partir d’un corpus constitué de trois films latino-américains du début des années 2000. Son article s’appuie sur Amores Perros  (2000) et El Crimen del Padre Amore (2002).  R. Desbordes-Vela s’attache à situer ces œuvres relativement récentes dans l’histoire, plus large, du nouveau cinéma latino-américain qui s’est développé dans les années 1960 en contrepoint du cinéma hollywoodien dominant. Son analyse part du principe que les films ont été conçus  comme des réactions de résistance dirigées contre les structures socioéconomiques du pays. Son étude lui permet d’esquisser le processus par lequel les violences sociales et culturelles deviennent, une fois intégrées dans les fictions, des violences psychologiques.

 

« Images violentes et comportements criminels, le point sur un débat ancestral »

Laurent Garreau synthétise et analyse les débats publics autour de la question de l’impact de la violence sur le public, et plus particulièrement sur les publics jugés fragiles, notamment les jeunes.  Il relate, de l’antiquité à la période des médias de masse, les débats publics autour des représentations violentes, opposant, aux défenseurs du pouvoir cathartique des images, les critiques qui en redoutent les effets néfastes sur des spectateurs jugés fragiles et malléables. L’auteur fait tout d’abord un détour par le fonctionnement des instances de régulation britanniques, occasion de revenir sur quelques « cas » et polémiques emblématiques – Graine de Violence, en 1955, Orange mécanique, en 1971, Massacre à la tronçonneuse  en 1974, et Chucky 3 en 1991. Il évoque également les débats français et étatsunien, et la convergence de discours et de politiques fondés sur le postulat d’un lien de causalité entre représentations, visionnage, et passage à l’acte. L’auteur expose brièvement les  présupposés de ces deux positions, notamment la croyance en une logique directe de « contagion » par les images, dont  il rappelle qu’elle n’est à ce jour appuyée sur aucune donnée scientifique vérifiable. L. Garreau achève son article sur la nécessité pratique et pédagogique de l’éducation à l’image, et l’importance théorique de la prise en compte du contexte de réception.

 

« Montrer, démontrer, dénoncer : violences physiques et symboliques dans les images du travail »

 Lucile Desmoulins s’intéresse à la face immergée de l’iceberg censoriel, abordant et définissant la violence par un autre angle que celui qui concentre habituellement l’attention des médias, de l’opinion publique et des théoriciens. Son texte traite en effet, non pas de la violence visuelle (« graphique », pour reprendre un néologisme emprunté à l’anglais), mais de la violence symbolique et économique qui passe habituellement sous les radars des institutions de censure… et du public. L’objet même, et le corpus, de ce texte, font sa singularité dans la réflexion actuelle sur la violence cinématographique, puisqu’ils décalent la définition habituelle donnée de ce terme, et démontrent négativement à quel point les débats actuels autour de la « violence » se concentrent sur une forme particulière de violence (celle de l’hémoglobine et des corps visiblement meurtris, qui fait spectacle), au détriment de la violence symbolique liée aux conditions de travail, et de l’ « aliénation généralisée » qui l’accompagne. L’article, qui mentionne nombre d’exemples tirés du cinéma contemporain, (avec quelques références à des films plus anciens) esquisse en outre une piste d’analyse intéressante qui rejoint d’autres textes de la revue, puisqu’il examine la manière dont cette violence symbolique et invisible peut justement se voir représentée à travers les codes du gore, et des « images réalistes sanglantes ».  Son parcours à travers les films engagés des dernières décennies interroge également la manière dont la violence individuelle rejoint une « dimension collective et politique ».

 

« Surveillances dangereuses »,

C’est aussi à la manière dont la violence est entrelacée au tissu social et articulée aux institutions que s’intéresse le texte de Bruno Girard, qui examine, dans une perspective néo-foucaldienne (via sa lecture par Gilles Deleuze), les dispositifs de  surveillance et leurs représentations filmiques, retraçant l’articulation entre technologies de surveillance et mécanismes sociaux de contrôles des individus par l’Etat. L’article aborde à la fois des univers dystopiques qui transposent en fiction le modèle foucaldien du Panopticon, comme THX1138 de Georges Lucas, les modulations technologiques de ce dernier dans des fictions plus récentes traitant de figures de hackers (Aux yeux de tous, Cédric Jimenez et Arnaud Duprez, 2012), et des détournements plus insidieux, par des individus pervers (Du Voyeur de Michael Powell à Caché de Haneke).

 

« Les affiches de cinéma violentes et leur censure en France »

A. Montagne examine la censure du paratexte promotionnel, sujet intéressant à deux titres. D’une part, à la différence des cas envisagés précédemment, on a ici véritablement affaire à des cas de censure, puisqu’il y a bien suppression des matériaux publicitaires incriminés, ou transformation radicale – comme dans l’exemple marquant de l’affiche du film Made in France (Nicolas Boukhrief, 2015). D’autre part, il ne s’agit plus ici d’un dispositif centralisé et national, mais bien de dispositifs distincts et locaux, dépendant d’instances spécifiques : régie des transports à Marseille, par exemple, ou sociétés de publicité. La distinction est intéressante, dans la mesure où la plupart des dispositifs de régulation à échelle nationale, aux Etats-Unis notamment, ont précisément été conçus pour éviter les foudres des instances locales. On touche aussi à la différence entre un visionnage choisi par un public précis, qui décide d’aller voir le film, et des images diffusées dans l’espace public qui peuvent atteindre un spectateur à son insu. Les thématiques des œuvres dont les affiches ont été censurées reflètent bien les inquiétudes contemporaines de la société française : la violence bien sûr, avec le rejet des premières moutures des affiches de Hostel ou Lady Blood, mais aussi, plus récemment, la sensibilité aux thématiques liées aux attentats, qui ont conduit à des déprogrammations ou à des passages directement en vidéo ou à la télévision de certains films, comme Bastille Day (James Watkins, 2015) ou encore Made in France. A l’inverse des scandales et polémiques publics à propos des films transgressifs abordés ailleurs, le texte examine ainsi la face cachée de la censure, et les dispositifs plus opaques et plus difficilement retraçables de suppression des films en amont, soit sous pression d’organisations, soit par anticipation de réactions possibles du public.

 

« La violence dans les salles de cinéma »

L’attention portée aux conditions concrètes de visionnage des films fait l’intérêt de l’article d’A. Montagne qui bascule de la violence des représentations à la violence qui s’accomplit dans les salles, devant les films. L’auteur relate les débordements qui ont accompagné la projection de certains films – essentiellement des films d’horreur – depuis les années 2010, avec des comportements allant de l’incivilité à la violence extrême, au point de conduire  exploitants à clore des projections ou à retirer les films en question de leurs salles. Le texte apporte un regard singulier sur un sujet peu abordé : les conditions concrètes de visionnage de films d’horreur récents, comme Conjuring : Les Dossiers Warren  (2013) ou Annabelle (2014). C’est bien le phénomène social du visionnage en groupe, et le rôle qui est assigné à ces films dans un rituel collectif,  qui sont abordés ici. A. Montagne rappelle brièvement les célèbres perturbations de séances cinématographiques, évoquant la projection mouvementée de L’âge d’or au Studio 28 dans les années 1930, les « hostilités » suscitées par les films Avant le déluge d’André Cayatte et Le Blé en Herbe  de Claude Autant-Lara, ou encore les haros provoqués par Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard en 1984 et La Dernière Tentation du Christ en 1988, avant d’en venir à son objet : la « nouvelle catégorie de spectateurs » apparue dans les années 2010, « jeunes nombreux et agressifs qui vont dans les salles de cinéma pour semer la pagaille et la peur ».

Autant qu’avec les exemples historiques mentionnés par A. Montagne, débordements politiques et idéologiques, nés de réactions d’outrage face à des représentations jugées blasphématoires ou scandaleuses, c’est avec les débordements des spectateurs des classes populaires de l’époque des premiers Nickelodeons qu’on pourrait établir un lien et une filiation ici. Les comportements incontrôlables de ces spectateurs dont le profil sociologique gagnerait à être défini plus nettement, rappellent directement, en effet, ce public analysé par les historiens  du cinéma qui va, avec l’essor des Nickelodeons, prendre le relais des spectateurs bourgeois « respectables » des vaudevilles, et la panique morale, étudiée par Nicole Vigouroux Frey (La tentation d’un plaisir neuf : le nickelodeon In : Cent ans d'aller au cinéma : Le spectacle cinématographique aux États-Unis, 1896-1995, Presses universitaires de Rennes, 1995), suscitée par ces « classes dangereuses » incontrôlables.

 

Entretiens : censeurs et producteurs.

L’ouvrage s’achève sur deux entretiens  qui reviennent sur le fonctionnement  concret des mécanismes de régulation. Ont été choisis ici, significativement, des individus situés de part et d’autre des dispositifs de censure, puisque le premier texte cède la parole au président de la Commission de classification des œuvres cinématographiques, Jean François Mary, tandis que le second est un entretien avec Gilles Boulenger, producteur du film Quand l’embryon part braconner.

L’entretien avec J. F. Mary est éclairant sur les facteurs présidant à la régulation, en effet l’interviewé précise, par exemple, qu’il prend en compte l’appartenance d’une œuvre au « cinéma d’auteur », tout en énonçant les limites des critères mobilisés par la Commission – il  affirme notamment ne pas prendre en compte la « vulgarité » des œuvres. L’entretien fait aussi le point sur la présence de structures parallèles, et parfois en opposition, pour évaluer les œuvres, les décisions du Ministre de la culture pouvant, par exemple, s’opposer à celles de la Commission. Le passage d’une logique explicite de censure visant à protéger les bonnes mœurs, aujourd’hui dépassée, à une logique, contemporaine, de « protection des mineurs » est également réaffirmé à plusieurs reprises par l’interviewé. La question de savoir si ces deux logiques ne sont pas, d’un certain point de vue, convergentes (la « protection des mineurs » servant d’argument pour imposer une certaine moralisation des représentations) mériterait bien sûr d’être interrogée à l’avenir. A l’inverse, lorsque Gilles Boulenger assimile pleinement les mécanismes de classification à une censure officielle limitant les possibilités de diffusion et conduisant à une standardisation des œuvres, on peut se demander dans quelle mesure ce discours opposant unilatéralement la censure à la liberté créatrice est décalé dans le contexte actuel de valorisation des films à scandale.

 

En guise de conclusion

Parmi les enjeux posés par les textes qui composent ce numéro, on trouve une question qui dépasse le secteur français : non seulement la définition de ce qui constituerait une représentation acceptable de la violence, mais aussi, à travers les débats autour de l’interdiction d’un film aux moins de 18 ans, la possibilité d’une catégorie d’œuvres classée comme destinée à un public d’« adultes » qui ne soit pas entachée d’amoralité ou de suspicion, et n’entraine pas de conséquences économiques néfastes pour l’œuvre en question. L’un des problèmes posés ici est celui de la stigmatisation attachée à ce type de classification par tranches d’âges, dans la mesure où, comme le souligne A. Montagne, « le CSA refuse d’opérer la distinction entre un film pornographique et un film interdit aux – 18 ans » Rappelons d’ailleurs que dans un autre contexte évoqué par le livre, celui des Etats-Unis, c’est bien la volonté de distinguer le classement X (jugé stigmatisant, et que l’industrie pornographique s’était réapproprié) de représentations explicites mais sans caractère pornographique, qui a conduit, dans les années 1990, à l’adoption de la catégorie NC 17, avec des résultats mitigés – l’ « opprobre » du X et ses conséquences économiques s’étant en réalité déplacées vers la nouvelle catégorie. Le débat est complexe, dans la mesure où s’il est en théorie aisé de distinguer la pornographie de la non pornographie, les critères permettant de décider de la dimension artistique d’une œuvre sont plus difficiles à établir de manière incontestable.

 La lecture de cet ouvrage consacré plutôt au secteur français  pourra être complétée par, en ce qui concerne le secteur nord-américain,  celle des travaux fondamentaux d’ Olivier Caïra sur la censure (Hollywood face à la censure, Discipline industrielle et innovation cinématographique, 1915-2004. CNRS éditions, Paris, 2005), et, pour ce qui est des mécanismes de régulation des représentations dans le cinéma nord-américain, ceux de Kevin Sandler (Kevin S. Sandler The Naked Truth, Why Hollywood doesn’t make X-Rated Movies, Rutgers University Press, New Brunswick, New Jersey et Londres, 2007).

Parmi les pistes que cet ouvrage très stimulant permet d’ouvrir, on peut mentionner l’étude plus précise de l’intersection entre sexualité et violence, qu’il s’agisse de délimitation ou de porosité, autour, notamment, du motif spécifique du viol – présent dans plusieurs des œuvres abordées par l’ouvrage, ou de la portée subversive d’œuvres combinant les deux. Le numéro laisse aussi ouverte la possibilité d’études interrogeant les enjeux de légitimation culturelle, notamment l’opposition entre cinéma d’auteur et œuvres considérées comme relevant de l’« exploitation ».

On peut regretter, sur le plan méthodologique, que la distance critique avec laquelle les auteurs analysent les présupposés des instances de censure et des spectateurs ne soit pas toujours présente dans les analyses internes des œuvres, qui mobilisent parfois à leur tour ces catégories axiologiques ou cette logique auteuriste critiquées par ailleurs. Mais ce retour de la « subjectivité » des auteur(e)s du numéro face à des représentations transgressives est sans doute inévitable, et rappelle en acte la difficulté  de se « déprendre de sa subjectivité », et la nécessité constante, lorsque l’on s’intéresse à ce type d’objets, de faire retour sur sa propre activité de jugement critique et d’interroger les présupposés par lesquels on distingue les œuvres « acceptables » des autres. En conclusion, ce numéro de CinémAction rappelle ainsi la difficulté de ce travail de neutralité, qui reste nécessairement asymptotique et situé, et la manière dont, autant chez les spectateurs ordinaires que chez les individus chargés de classer les films officiellement, interviennent des processus contradictoires où la subjectivité fait nécessairement retour.