Qu'est-ce que le nouveau Robin des Bois sorti sur nos écrans a encore de médiéval ? plus grand chose en réalité...

Sortie le 28 novembre sur les écrans français, la nouvelle adaptation du mythe de Robin des Bois proposée par Otto Bathurst cherche à surprendre son public par une approche futuriste, qui n’a plus rien de médiévale.

 

Robin de Loxley, héros médiéval ?

Si ce Robin des Bois ne propose pas la réécriture supposée d’une « histoire réelle » du héros médiéval, le film joue toutefois avec les temporalités et se présente comme une achronie. Robin est pourtant clairement identifié dans l’imaginaire collectif pour son rôle de héros médiéval : issu de la tradition orale, ce « yeoman » (un paysan médiéval propriétaire des terres qu’il cultive) apparaît dès le XIIIe siècle, et devient au cours du XVe siècle le héros de nombreuses ballades, parfois comiques et parfois violentes.

Ce n’est qu’à partir du XVIe siècle que les réécritures – et par la suite les adaptations en film – en font un gentleman puis un noble luttant pour la justice. C’est cette image désormais traditionnelle que l’on retrouve dans le film d’Otto Bathurst, bien que la narration soit ici volontairement privée de tout ancrage temporel. Lors du prologue, la voix-off prévient le public : « I could bore you with the history, but you wouldn’t listen » (Je pourrais vous ennuyer avec l’histoire, mais vous n’écouteriez pas). Cette production n’est pas un récit historique « ennuyeux » – une vision restrictive encore trop souvent associée à l’histoire, et qui semble suggérer que le public du film préfèrera être diverti sans être instruit. Aucune date n’est prononcée, tout comme les notions de « Croisade » et de « roi d’Angleterre » restent volontairement imprécises pour empêcher toute restriction dans le temps.

De même, malgré les noms de lieux et de personnages renvoyant à des espaces précis dans la tradition littéraire, le film choisit de brouiller les pistes géographiques. Certes, Robin de Loxley (Taron Egerton) est surnommé « l’Anglais » par son ami Petit Jean (Jamie Foxx), le Shérif (Ben Mendelsohn) sévit bien à Nottingham et la forêt de Sherwood est discrètement évoquée. Mais les références au contexte britannique s’arrêtent là. Si une carte apparaît à l’écran lors de la préparation d’un plan de bataille, elle ne permet pas de situer la scène, et le film tend volontairement à l’universalité. L’architecture est d’inspiration italienne, ce qui contribue à une esthétique parfois proche du jeu Assassin’s Creed, et les costumes sont tantôt orientaux, tantôt indiens, tantôt japonais, comme le souligne le chef costumier Julian Day.

Selon les codes employés, le film serait davantage un préquel sur la jeunesse d’un super-héros. Le prologue s’ouvre sur un livre aux graphismes de comics, et le rythme survolté du film va plutôt en ce sens. De nombreuses scènes permettent la valorisation morale et physique du personnage principal. Le film emprunte d’ailleurs – plus ou moins ouvertement – à plusieurs univers, depuis un triangle amoureux directement issu de l’histoire de Batman, jusqu’à une séquence de préparation physique de Robin qui rappelle celle de Rocky Balboa. Otto Bathurst met en scène un Robin des Bois plus jeune, moins bercé d’idéaux politiques et sociaux, mais qui reste profondément humain.

 

Que reste-t-il du Moyen Âge ?

Le film mêle les époques, que ce soit à travers les décors, les costumes ou les attitudes des personnages. Alors que les scènes de souffrance du peuple et l’esthétique des mines évoquent tour à tour Les Misérables et Germinal, le passé du Shérif de Nottingham renvoie aux « public schools » britanniques de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Robin des Bois condense les souffrances et les conflits de plusieurs époques pour insister sur la nécessité d’action des héros. En effet, dans cette conception résolument moderne, Robin n’agit jamais seul mais est entraîné dans ses aventures par Petit Jean, Marianne (Eve Hewson) et, dans une moindre mesure, Frère Tuck (Tim Minchin).

Tout est conçu pour donner une coloration contemporaine – voire futuriste – aux scènes. L’affrontement du peuple oppressé lançant des cocktails Molotov sur des chars blindés ou des soldats aux allures de CRS renvoie ainsi à de nombreuses scènes des XXe et XXIe siècles, de la guerre d’Espagne aux manifestations populaires les plus actuelles.

Les Croisades, représentées dans la première partie du film, deviennent un écho direct à la guerre en Irak, où les bombardements aériens sont remplacés par des catapultes assiégeant la ville.

L’on s’étonnera d’ailleurs de ne voir apparaître qu’une seule épée dans tout le film, brièvement au détour d’une scène de combat en terre arabe, alors même qu’il s’agit d’un symbole essentiel du Moyen Âge et de la seconde arme de prédilection de Robin dans les récits médiévaux. Ainsi est-ce un duel à l’épée qui marque sa rencontre avec Will Scarlet dans la ballade Robin Hood and the Newly Revived, tout comme de nombreux combats parfois repris par le cinéma – en particulier dans le film Les Aventures de Robin des Bois (1938). Les exemples pourraient être multipliés : notons simplement l’attention au détail, qui modernise jusqu’à la course-poursuite en char par l’ajout de petites torches rouges à l’arrière des carrioles, reprenant les feux de signalisation à l’arrière de nos voitures…

Cependant, le Moyen Âge survit discrètement parmi toutes ces époques, à travers des choix parfois étonnants : la version française du film traduit par exemple « I don’t care » par un « Je n’en ai cure » archaïsant, détonnant avec le reste des dialogues. L’esthétique cherche à « faire médiéval », sans prétention de véracité historique, en s’appuyant sur des images traditionnelles telles que les remparts crénelés à l’arrière-plan, mais aussi sur des éléments détournés, comme les rideaux en cotte de maille employés dans la carriole du Shérif.

 

Tout comme le roi Arthur de Guy Ritchie (2017), ce Robin n’a presque plus rien de médiéval, mais renoue ainsi avec la tradition d’appropriation qui l’a vu naître : ces héros médiévaux, construits par plusieurs auteurs et sans cesse renouvelés, continuent de se développer et de s’adapter aux attentes de chaque époque. Si Robin des Bois tend ici à une universalité – très occidentale tout de même –, il reste toutefois incertain que son scénario peu approfondi et son esthétique explosive en fassent un chef d’œuvre atemporel.

Pour aller plus loin :

- Stephen Knight, Robin Hood: A Complete Study of the English Outlaw, Londres, Blackwell, 1994.

- Helen Phillips, Robin Hood: Medieval and Post-Medieval, Dublin, Four Courts Press, 2005.

- Scott Allen Nollen, Robin Hood: A Cinematic History of the English Outlaw and His Scottish Counterparts, Jefferson, McFarland & Company, 1999.

 À lire aussi sur Nonfiction :

- Tristan Martine, Le Moyen Âge en bande dessinée, compte-rendu par Florian Besson.

- Jean-Pierre Moreau, Pirates au jour le jour, compte-rendu de Samuel Berthet.

- Florian Besson, Actuel Moyen Âge - Le Brexit raté du Prince Jean.

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