L'édition 2017 du festival s'achève en beauté sous une canicule de plus en plus intense.

Le mercure n'aura fait que monter, cette année, durant les trois jours du Hellfest - et il ne s'agit pas seulement d'une métaphore pour décrire l'intérêt soutenu des concerts qui s'y sont déroulés. Le dimanche, sur scène, le spectacle s'est en fait contenté de se maintenir au niveau - remarquable - des deux premiers jours, et c'était très bien ainsi. 

Cela démarre sous le chapiteau de la Valley, avec l'étrange proposition post-rock de Crippled Black Phoenix, un super-groupe composé d'une armada de musiciens passés notamment par Eletric Wizard, Iron Monkey ou Mogwai. Entre post-rock et post-hardcore, CBP cherche une voie qui, à défaut d'être originale, instaure un climat introspectif et planant du plus bel effet. On s'en arrache in extremis pour traverser l'intégralité du site et aller assister, sous un ciel de feu, à la fin du live déchaîné des Britanniques de Skindred sur la Grande Scène. L'occasion de vérifier qu'après une vingtaine d'années d'existence, cet improbable groupe de ragga-metal, à défaut d'aligner les chefs d'oeuvre sur disques, mérite toujours sa réputation de bête de scène. 

Un peu plus tard au même endroit, ce sera au tour des fameux Prophets of Rage (cette formation composée de la base instrumentale de Rage Against the Machine, avec Chuck D de Public Enemy et B-Real de Cypress Hill au micro, rien que cela) de remplir la fonction du "groupe-taillé-pour-les-festivals", car fédérateur et prenant toute sa mesure en live. Et pour cause : à une exception près (la composition originale "Unfuck the World"), la setlist n'est composée que de reprises des trois groupes suscités. C'est donc une avalanche de tubes qui déferle sur Clisson au soleil couchant, y compris des morceaux de hip-hop interprétés au format "original" (juste un DJ et les deux MC sur scène), ce qui n'est pas banal dans un festival de musiques metal. Il serait donc délicat de faire la fine bouche alors que, si l'on en juge par le tourbillon de poussière permanent au-dessus du pit, tout le monde passe apparemment un bon moment devant des hits inoxydables tels que Testify, Know Your Enemy, Fight the Power ou Insane in the Brain. Mais l'impression d'avoir vu un cover-band composé de pré-retraités venus capitaliser sur leur persona de stars et récolter quelques dividendes supplémentaires après une carrière bien remplie peine à se dissiper. C'est un peu à l'image de ces équipes de foot / multinationales qui alignent à coup de millions les meilleurs joueur aux meilleurs postes : le résultat est beau, mais peu surprenant, et à peu près dénué de toute prise de risque, d'où un agrément en demi-teinte devant le spectacle proposé (bien que ce dernier soit, en lui-même, tout à fait réjouissant).

S'il s'agit de revivre sur scène une page illustre de l'histoire des musiques actuelles, on préférera nettement se diriger sous le chapiteau Temple pour le live d'Emperor, composé de l'interprétation intégrale de leur second album, vieux de vingt ans exactement, Anthems to the Welkin at Dusk. Agrémentée d'une poignée de titres du premier album (Into the Nightside Eclipse) en "complément de programme" (notamment un "Inno A Satana" démentiel), cette heure de live passe à toute vitesse, comme un grand souffle glacé. Les magnifiques compositions black du groupe norvégien ("Ye Entranceperium", "With Strength I Burn", etc.), ultra-techniques et harmoniquement complexes, sont portées par une impressionnante intensité dans l'exécution. Une telle sensation de violence et d'ampleur expressive est peu courante, et la démarche de reprise d'Emperor y trouve toute sa cohérence, à travers les méandres labyrinthiques d'un des disques les plus aboutis de la fin du XXe siècle.

Quelle différence avec l'autre gros concert black metal de la soirée, celui de Scour, un des multiples side-projects du chanteur de Pantera, Phil Anselmo. Décevant, ce légendaire frontman nous a donné l'impression de découvrir, pêle-mêle, le genre du black metal, les paroles de ses chansons (il doit s'aider de notes) et la setlist de son groupe. Restent, évidemment, son registre vocal impressionnant, y compris dans les moments de growl "true black", et une reprise de Bathory, "Massacre", très réussie. Le concert s'achève sur un tube de Pantera, "Strength Beyond Strength", qui permet le défoulement d'un public qui, jusque là, restait un peu sur sa faim.

Entre temps, dans l'après-midi, nous avons pu assister à deux splendides concerts de death (le genre) sur la scène Altar. D'abord celui de Beyond Creation, jeune groupe canadien évoluant dans les eaux finalement pas si fréquentées du death complexe et mélodique... à la Death (le groupe), justement. L'influence du jazz est palpable, autant dans la structure évolutive des morceaux que dans la dynamique collective de leur exécution. L'avant-plan auditif est ainsi alternativement occupé par les différents instruments, dont la formidable basse fretless d'Hugo Doyon-Karout (qui a récemment remplacé le bassiste original du groupe Dominic Lapointe). Ensuite, celui des Suisses de Nostromo, qui, dans un style plus direct mais non moins élaboré, ont mis tout le monde d'accord avec une scotchante démonstration des puissances scéniques du brutal death metal, révélatrice de la maîtrise acquise par ce groupe récemment reformé, et parfaite conclusion à ces trois jours de musiques de haute volée.

 

Retrouvez ici la chronique du Jour 1 : 

Hellfest 16.06.2017, chaleur et poussière au pays du metal

 

Et ici la chronique du Jour 2 : 

Hellfest 2017 : Jour 2 placé sous le signe du doom

 

Ainsi que les live report des éditions 2016 : https://www.nonfiction.fr/article-8697-musique__live_report_au_hellfest_2016.htm

 

Et 2015 : 

Hellfest 2015 : chronique et live report au pays du metal