Le 59e sommet de l’OTAN (2-4 avril) vient de s’achever à Bucarest, la capitale roumaine. Il dénote clairement  la volonté de l’administration Bush de "marquer un nouveau territoire", de poursuivre l’élargissement à l’est. En cette fin de mandat houleux, sur fond de campagne présidentielle aux États-Unis, on perçoit les derniers spasmes d’une administration qui tente de "normaliser" les crises en cours. Il est également l’heure pour elle d’engager des dynamiques qu’il appartiendra à d’autres de poursuivre alors que, fait quasiment inédit, ni l’ancien président, ni le vice-président sortant, ne participent à la course présidentielle américaine. Pourtant, fait assez inhabituel pour être signalé, le leadership forgé par Washington au cours des dernières décennies commence à être discuté au sein de l’Alliance. La fuite en avant vers l’est n’est pas la priorité pour beaucoup d’États européens qui pensent qu’il faut laisser le temps à la Russie pour digérer le camouflet kosovard.

Ce début d’année 2008 a vu les États de ce monde subir les événements ou tout du moins laisser faire, se reposant sur des États-Unis dont la vision à long terme ne paraît pas évidente à percevoir. Pourquoi ceux-ci cherchent-ils à envenimer plus que de raison leurs relations avec la Russie ? À qui profitent réellement l’indépendance du Kosovo, l’élargissement de l’OTAN à l’Ukraine et à la Géorgie ou même la constitution d’une défense antimissile en plein cœur de l’ancien bloc communiste ?  Le gain en terme de sécurité collective paraît minime, en supposant qu’il y en ait vraiment un.  Dans la zone, l’OTAN s’appuie déjà sur le soutien de la Pologne, partenaire indéfectible de toutes les aventures américaines. La bannière de la démocratie est une raison, légitime et noble à n’en pas douter, mais dont la réalité s’esquisse difficilement dans les actions récentes des États-Unis. L’indépendance de l’ancienne province serbe paraît en ce sens légitime, de prime abord, mais dans la réalité, elle ne fait qu’illustrer un monde à deux vitesses où chacun semble devoir apprendre à choisir son parrain.  

Que dire encore ? Ce sommet aura été marqué par les réticences, les contradictions et finalement la demi-mesure. Un frein a été mis à l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie, deux pays dont la consistance démocratique prête à interrogations, deux pays profondément divisés en leur sein. Un signe, peut-être, de l’Europe à son partenaire énergétique pour lui monter que l’heure n’est pas encore à la confrontation frontale. Le constat aussi que d’autres problèmes plus pressants se posent devant l’Alliance – les Balkans redevenus une poudrière, l’Afghanistan également. Deux problèmes où la coopération Russie-OTAN paraît essentielle, en témoignent les réunions avec Vladimir Poutine qui se sont tenues en marge du sommet. On n’oubliera pas de mentionner que le sommet a vu l’adoption, comme en miroir, comme une concession aux États-Unis, de la proposition de défense antimissile à établir en République Tchèque. Une initiative qui avait récemment soulevé un tollé dans la Fédération et à laquelle l’OTAN, magnanime, prie les Russes de s’associer.

Finalement, une réunion de chefs d’États, de plus en plus nombreux au demeurant, qui aura mis en lumière certaines divergences. La cohérence de l’ensemble n’est pas encore explicitement remise en cause mais cela ne devrait tarder.


- Voir aussi l'article sur "la France et l'OTAN" sur nonfiction.fr.


--
Crédit photo: Flickr.com / Aleksander Dragnes