Début décembre, nous lancions une « Chronique Uchronique » qui se proposait de « jouer avec les si » pour mieux réinventer l'histoire, en interrogeant les causes des événements, le poids des contingences, le rôle des grands hommes. Plusieurs contributeurs, historiens et littéraires, se sont essayés à l'exercice, du haut Moyen Âge carolingien jusqu'à la guerre de succession de Pologne, de l'Espagne à l'Angleterre, en passant par Byzance, Bagdad, Bouvines et la Bastille.

Ces articles déroulent plusieurs types de turning points, des plus spectaculaires - un roi qui meurt, une bataille qui tourne autrement, une météorite qui s'écrase sur terre - aux plus discrets - un texte perdu dans les flammes ou imprimé par Gutenberg, une invention technique maîtrisée plus tôt, un ministre renvoyé plus tard. Ces textes inventent plusieurs formes d'histoire alternative, et se plaisent le plus souvent à décrire des changements radicaux, dessinant un monde complètement différent du nôtre : un grand empire toltèque, une Angleterre catholique, une France monarchique. Dans ces histoires contrefactuelles qui ne vont jamais vraiment contre les faits, on a oublié Charlemagne, pas pris la Bastille, pas perdu la Lorraine ; les croisés échouent à prendre Jérusalem et les Turcs à conquérir Constantinople ; Elizabeth Tudor est assassinée et on roule en voiture en plein Moyen Âge. Autant d'images, de fragments, d'éclats d'histoires qui auraient pu être.

L'histoire contrefactuelle est l'une des pistes les plus fécondes en ce moment, comme le souligne la publication récente de l'ouvrage de Quentin Deluermoz et Pierre Singaravélou, Pour une histoire des possibles (Seuil, 2016). Cette Chronique Uchronique, au fil des semaines, s'est avérée un riche espace d'expérimentations à la fois formelles et factuelles, nourrie d'idées et d'hypothèses, entre jeu et sérieux, toute tissée du plaisir d'histoire qui anime les différents auteurs.

La Chronique Uchronique est mise en sommeil pour le moment, en attendant d'autres articles, d'autres auteurs (appel aux amateurs !). C'est l'occasion de redécouvrir ces onze articles !

 

* Gutenberg hérétique, par Catherine Kikuchi

Et si Gutenberg avait choisi d'imprimer un ouvrage condamné comme hérétique ? L'Eglise catholique condamne l'imprimerie et se coupe durablement de la modernité technique et intellectuelle, au grand profit des régions protestantes.

 

* 1453 : la prise de Constantinople par les Vénitiens, par Pauline Guéna

Et si les Vénitiens avaient réussi à repousser l'attaque des Ottomans contre Constantinople en 1453 ? Byzance placée sous tutelle vénitienne, c'est toute la carte du monde qui est redessinée, à l'aube des grandes découvertes et de la première modernité.

 

* 1733 : Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, par Jan Synowiecki

Et si Stanislas Leszczynski, le beau-père de Louis XV, avait gagné la Guerre de Succession de Pologne ? Ce tournant change l'histoire de la Pologne, mais aussi des Lumières et de la Lorraine.

 

 * Philippe Auguste meurt à Bouvines, par Rémy Roques

Et si Philippe Auguste avait été tué en ce fameux « dimanche de Bouvines » de juillet 1214 ? La mort du roi de France bouleverse l'équilibre des pouvoirs en Europe occidentale.

 

* La révolution industrielle du IXe siècle, par Florian Besson

Et si l'empire abbasside du IXe siècle avait inventé la machine à vapeur ? Progrès techniques, essor économique, conquêtes militaires : du steampunk médiéval !

 

* 1588 : l'Armada Invaincue, par Alexandre Jubelin

Et si Philippe II d'Espagne avait réussi à conquérir l'Angleterre grâce à son Invicible Armada ? Avec l'établissement d'une monarchie catholique en Angleterre, ce sont toutes les Guerres de Religion qui se trouvent changées...

 

* 1066 : la comète de Halley s'écrase sur terre, par Florian Besson et Pauline Guéna

Et si un fragment de la comète de Halley s'était écrasé en Europe en 1066 ? La chrétienté occidentale sombre, les Mongols et les Scandinaves disparaissent, de nouveaux empires se forment.

 

* Alfonse le Très Catholique, par Annabelle Marin

Et si Alphonse XII de Castille n'était pas mort dans son enfance ? L'Espagne se déchire dans une guerre entre frères, et Isabelle « la Catholique » ne devient jamais reine de Castille.

 

* La Bastille n'est pas prise !, par Laura Broccardo

Et si Louis XVI, cédant aux pressions des Parisiens, n'avait pas congédié Necker le 11 juillet 1789 ? La révolution naissante est tuée dans l'oeuf par les ambitieuses réformes du Directeur Général des Finances, et nous vivrions peut-être toujours dans une monarchie...

 

* Charlemagne, ce grand inconnu, par Florian Besson

Et si nous n'avions pas conservé la Vie de Charlemagne rédigée par Eginhard ? Sans cette source capitale, l'attention se serait peut-être focalisée davantage sur son fils, Louis le Pieux, ce qui a d'énormes conséquences à la fois politiques, culturelles et littéraires.

 

* 1098, l'échec de la première croisade, par Florian Besson

Et si la première croisade, lancée par Urbain II en 1095, avait échoué sous les murs d'Antioche, sans aboutir à la conquête de Jérusalem par les Latins ? C'est toute la carte du Proche-Orient médiéval qui en est modifiée, mais aussi la place de l'Eglise catholique dans le monde occidental.