C’est avec une vive émotion que Richard Peduzzi, ami intime des regrettés Patrice Chéreau et Luc Bondy, se retrouvait à nouveau sur le plateau de l’Odéon, à l’occasion de cette « Scène Imaginaire » consacrée à celui qui reste encore aujourd’hui l’un des plus grands scénographes contemporains. C’est une nouvelle fois Arnaud Laporte qui anime cette rencontre retransmise sur les ondes de France Culture.

 

Après une brève présentation de son parcours, les textes choisis par Richard Peduzzi commencent à résonner dans la salle de l’Odéon, tous brillamment interprétés par une dizaine d’invités triés sur le volet : Clotilde Hesme, Jérôme Deschamps, Micha Lescot, Vincent Huguet, Olivier Rolin, Rosemary Standley, Judith Fa et Alphonse Cemin.

 

Une parenthèse qui se referme

 

En débutant avec un texte extrait du roman Corps du Roi, de Pierre Michon, c’est immédiatement de mort dont il est question. Un thème lourd de sens pour celui qui a perdu avec Patrice Chéreau et Luc Bondy deux de ses plus chers amis, deux « grands maîtres du théâtre » dont la disparition est une parenthèse qui se referme, pour qu’une autre puisse s’ouvrir. L’hommage qu’il leur rend à travers sa présence lui donne l’occasion de revenir sur les débuts de leur amitié : l’impression de peindre avec Patrice Chéreau le même tableau à deux, et la liberté qu’il ressentait aux côtés de Luc Bondy. Le premier est décrit par Richard Peduzzi comme un « visuel », qui allait chercher la beauté au plus profond des choses et des gens, le second comme un homme incroyablement vivant. À la fois complices et jaloux l’un de l’autre, le scénographe se souvient d’une relation très riche entre les deux hommes, qui pouvaient aborder la même pièce de façon très différente) à l’instar de Le Temps et la Chambre de Botho Strauss, montée à Berlin puis à Paris en 1991.

 

L’amour de la poésie


Malgré un côté un peu noir, on perçoit une véritable jubilation dans le choix des textes, ainsi qu’une véritable déclaration d’amour à la poésie : les vers d’Emily Dickinson ou encore de Raymond Carver s’invitent sur le plateau. L’écriture poétique a toujours nourri son travail de scénographe, et l’ont aidé à faire « danser les décors », de façon à ce que les comédiens se sentent chez eux, même lorsque les décors sont imposants ou dangereux. Cette volonté peut selon lui paraître dérisoire, mais il assume avoir construit sa vie sur ce dérisoire.

 

La mer et l’Italie, éternelles inspirations

 

Depuis son enfance passée au Havre, Richard Peduzzi est fasciné par la mer. Il allait sur le port regarder les bateaux qui partaient pour les Amériques, et en a gardé une fascination pour le quai. Son travail guidé par une recherche du quai absolu: dans le dernier spectacle qu'il devait monter avec Luc Bondy, il était question d'eau, de rouille, et d’un quai.

 

Il avoue ne pouvoir s’empêcher de tout observer, de sortir, de vivre. Lui qui n’allait pas au théâtre a découvert les décors de Patrice Chéreau à Sartrouville lorsqu’il montait les pièces chinoises, et a immédiatement su qu’il souhaitait en faire son métier.

Un autre thème cher à Richard Peduzzi reste l’Italie, sa lumière baroque et sa beauté mélancolique. Il décrit une Italie qui est comme une autre moitié de lui-même, et vers laquelle il retourne aussi souvent que possible. Rome est une ville complexe et extraordinairement dangereuse si l'on vient et que l'on souhaite y rester: c'est  lorsque l'on décide d’en partir que cela devient extraordinaire.

Cette rencontre fut l’occasion d’entendre des textes et des musiques chers à Richard Peduzzi, interprétés par des artistes incroyablement touchants et talentueux. Alors que se termine cette Scène Imaginaire, c’est avec beaucoup de pudeur et de sincérité que le scénographe remercie ses invités, et rend une dernière fois hommage à ses deux amis perdus

 

 

Photo : © Pascal Victor 

Bibliothèques de l'Odéon, « Scènes Imaginaires », 30 janvier 2016

Théâtre de l'Odéon, Place de l'Odéon, 75006 Paris

Réservations : 01 44 95 98 21

Site du théâtre : http://www.theatre-odeon.eu/

Durée : 1 h 15

10 € | 5 € (Hors abonnement)