La biographie cinématographique d’Yves Saint Laurent - deuxième version -  réussit l’exploit de réunir un des réalisateurs-auteurs les plus précieux de la scène française (Bertrand Bonello, auteur de Le Pornographe, De la guerre, et L’Apollonide) et le producteur le plus porté sur le blockbuster de ce même microcosme, EuropaCorp - et ce n’est évidemment pas le seul mérite du film.


Le résultat est un film ambitieux sur cette icône de la création qu’est YSL, un film très personnel, véritablement « cousu main » (pour filer la métaphore de circonstance) par Bonello. Le cinéaste aborde tous les aspects de la vie du personnage, de son œuvre et de son univers, en parvenant habillement à les lier les uns aux autres - tout en y intégrant ses propres obsessions : Saint Laurent créateur, Saint Laurent amant, Saint Laurent addict, Saint Laurent corporation…
 

Au contraire de nombreux biopics, Saint Laurent ne trace pas la trajectoire linéaire d’un personnage, mais en brosse plutôt un portrait fragmenté qui pose en filigrane la question du désir de créer, du renouvellement de l’inspiration, de la vanité de l’effort. Se référant explicitement à Mondrian, une des inspirations d’Yves Saint Laurent, le film adopte lui-même la structure (narrative et, à l’occasion, visuelle) des toiles du maitre ; chaque séquence du film est d’une grande pureté, à la fois directe et épurée, et témoigne d'une profonde maîtrise et compréhension des moyens expressifs de son art (voir en particulier la mise en scène des scènes de rencontres en boite de nuit, portée par une bande originale d’une puissance exceptionnelle).
 

Pourtant, comme la tortue de Des Esseintes succombant aux pierres précieuses incrustées sur ses écailles (dans A Rebours de Huysmans), le film menace in fine d’étouffer sous le poids de ses références. L’orfèvre Bonello et le couturier Saint Laurent partagent bien des univers et préoccupations, mais il faut croire qu’un film n’aura jamais la légèreté d’une petite robe en coton