Un choc des désirs plus qu’un choc des cultures. Alors que le pitch de Tom à la ferme annonçait l’étrange inadaptation de Tom, jeune publicitaire montréalais (incarné par un Xavier Dolan décoloré), au sein d’une famille rurale qui l’accueille à l’occasion des funérailles du fils cadet, le film ne fait qu’effleurer la critique sociale attendue (liberté et modernité des villes contre crétinisme conservateur des champs) pour au contraire particulariser le rapport de force psychologique qui oppose les protagonistes autour des questions de filiation et de désirs charnels.


Bien que Dolan s’en défende, la question de l’homosexualité est au cœur de l’intrigue. Le nœud narratif qui tient l’ensemble du film reste le mensonge par omission fait à la mère, à qui personne n’ose avouer que son fils est gay et que le jeune homme qu’elle reçoit chez elle était son compagnon. Enfermé dans ce mensonge qu’entretient le frère de son amant, Tom doit se plier au chantage de celui-ci et ne rentre pas à Montréal comme prévu.


La "ferme" du titre joue néanmoins un rôle narratif important : elle incarne un territoire de l’enfermement (bien que paradoxalement ouvert et moderne) au sein duquel Tom se trouve "fait comme un rat". On entre dans cet espace par un long plan aérien sur une voiture filant droit dans la campagne canadienne, qui n’est pas sans rappeler l’ouverture montagneuse de Shining. La mise en scène de Dolan, soulignée par la musique très hermanienne de Gabriel Yared, est assez expressionniste, dans un souci d’immerger le spectateur dans ce bain rural, et de l’y noyer sous les vagues de folie familiale.
 

Cependant, cet enfermement physique se trouve rapidement rejoint par un enfermement d’ordre psychologique que Dolan ne justifie sans doute pas assez. Tom, contraint à jouer le fils de substitution, se retrouve à devoir endosser le rôle de frère, voire de partenaire amoureux. Sa réticence initiale est peu à peu remplacée par un consentement ambigu, que le cinéaste ne justifie que très peu. Le retournement progressif de la situation présente un intérêt intellectuel, mais désamorce la tension dramatique : les motivations psychologiques des personnages sont troubles et la tension du thriller prend d’autant moins, étouffée par les questions sans réponse que soulève le film.


Avec Tom à la ferme, Dolan se saisit avec un certain talent d’un genre nouveau dans sa filmographie, mais le mélange entre drame familial et thriller psychologique ne tient qu’à moitié. Thriller campagnard intelligent, Tom à la ferme réserve quelques beaux moments de mise en scène, sans pour autant réveiller pleinement le spectateur hitchcockien qui sommeille en nous