Que font Smaïn, Lorie et Mike Tyson en Algérie, en cette fin de période estivale ? Du tourisme ? Non.  Ils sont venus jouer les premiers rôles dans le nouveau film Algérie pour toujours, dont le tournage a débuté  mi-août  à Oran comme le rapporte le journal El Watan dans son édition du 21.08.13.

Cette distribution, aussi improbable qu’hétéroclite est complétée, côté algérien, par des acteurs de l’ancienne génération, tel Mohamed Adjaïmi, qui a connu le succès sur petit écran et des représentants de la jeunesse comme la chanteuses oranaise Yasmine Ammari. Pour encadrer le tout, les producteurs algériens ont eu la bonne idée de faire appel au réalisateur français Jean-Marc Minéo, qui a un long métrage d’arts martiaux à son actif et dont le nom n’est pas référencé sur wikipédia. Si la distribution interroge par son manque de cohérence, la lecture du synopsis laisse sans voix. L’action qui se déroule de nos jours, voit un super agent secret, spécialiste des arts martiaux, combattre un sympathisant de l’OAS, installé à Oran, qui ambitionne de nuire à l’Algérie à travers une organisation mafieuse.

Une telle production qui mêle intrigues policières, arts martiaux et références historiques douteuses interpelle sur l’état de santé du cinéma algérien. Car depuis l’âge d’or de la génération post-indépendance, la relève peine à se distinguer. C’est un constat amer : le cinéma algérien est en crise. Et ce n’est pas un ninja moustachu, qui fantasme sur le combat de ses aïeux, qui va changer la donne.

Pourtant, dans les années 1970 et 1980, l’industrie cinématographique algérienne a vu émerger de grands talents, comme les acteurs Sid-Ali Kouiret, Sid-Ahmed Agoumi, Rouiched, Hadj Abderrahmane (inspecteur Tahar), ou encore les réalisateurs Ahmed Rachedi et Merzah Allouache. Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina a même obtenu la palme d’or au festival de Cannes en 1975 et La Bataille D’Alger, production italo-algérienne, reste l’un des plus grands chefs-d’œuvre du cinéma.

 

La société algérienne face à ses complexes

Pour comprendre ce déclin, il faut se pencher sur le manque de visibilité dont souffre le cinéma algérien. Ainsi, il n’existe pas de presse spécialisée dans le domaine du cinéma ou de chaîne publique chargée de promouvoir les productions artistiques locales. Bien souvent, les réalisateurs peinent à trouver des relais médiatiques, des accords de sponsoring ou des soutiens financiers pour assurer la promotion de leurs œuvres. La diffusion se fait donc difficilement, d’autant plus que le pays manque cruellement d’infrastructures culturelles (théâtres, cinémas)   .

La responsabilité de cette situation revient en partie à l’État. Contrôlant l’allocation des aides, il privilégie les films relatant des évènements survenus durant la guerre de décolonisation, éludant ainsi les défis que pose le bilan des années noires   à la société algérienne.L’absence d’une politique culturelle dynamique a fait de l’Algérie une périphérie dans le domaine de la production artistique. Les spectateurs suivent avec entrain les feuilletons syriens, égyptiens ou turcs et délaissent la production nationale dont l’audience se limite à quelques cinéphiles passionnés.

Autre défi, la représentation des violences sociales, des vices et des dérives de la société algérienne pose problème dans un pays encore largement traditionnel. Le rapport à l’image est mal assumé par les comédiens, qui par gêne vis-à-vis de leurs proches, refusent parfois de jouer des scènes évoquant des sujets tabous (la sexualité, l’alcool, certains thèmes politiques …), ce qui complique encore plus la tâche des cinéastes désireux de traiter de sujets sensibles.

Toutefois, suivant le modèle iranien, une jeune génération indépendante tente de développer une production novatrice   C’est le cas par exemple de Lamine Ammar-Khodja qui décrit dans Alger moins zéro la détresse et l’envie d’ailleurs de la jeunesse citadine, ou encore de Sofia Djama qui aborde le sujet très sensible du viol dans Mollement, un samedi matin. Si ces cinéastes sont encore trop peu nombreux (ou trop peu visibles) pour engendrer un mouvement artistique structuré capable de révolutionner les structures de produtions algériennes, ils ont le mérite de maintenir en vie le cinéma algérien par ailleurs moribond