À l'occasion de la 4e édition des Etats Généraux de l'Europe qui se tiendront ce samedi 10 mars 2012 à Sciences Po Paris, Nonfiction.fr interviewe les représentants des deux organisations pilotes de l'événement : Jean-Marie Cavada, président du Mouvement Européen-France, et Guillaume Klossa, président d'EuropaNova.

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Nonfiction.fr- La 4e édition des Etats Généraux de l’Europe se tiendra à Sciences Po, le 10 mars prochain. Pouvez-vous nous expliquer le concept et les raisons de sa genèse ?

Guillaume Klossa- Si l’idée des Généraux de l’Europe m’est venue à la suite du rapport de la société civile européenne « Peut-on faire l’Europe sans les Européens ? » qu’EuropaNova et une douzaine d’associations transeuropéennes ont rendu au Conseil européen de juin 2006, le succès des Etats Généraux de l’Europe n’a été possible que parce que les Etats Généraux sont devenus une formidable aventure collective.

Ce rapport pointait un déficit de fierté européenne et nous avons pris conscience que contre toute attente, les réseaux européens se parlaient peu, se connaissaient mal et que les citoyens européens mais aussi français n’avaient aucun lieu et ni grand rendez-vous pour se retrouver. Notre ambition avec les Etats Généraux de l’Europe, était de créer ce grand rendez-vous politique, économique et social qui permette de faire la jonction entre le citoyen et les décideurs européens de différentes générations, de différentes origines géographiques, professionnelles, d’une grande diversité de sensibilité politique et culturelle.

Il s’agissait aussi de créer un mouvement de rassemblement créant le rapport de force pour que le sujet européen soit suffisamment pris en compte par nos dirigeants politiques. Dans la foulée de la première édition, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy se sont engagés pour un pacte présidentiel pour l’Europe dont certaines recommandations ont été depuis au cœur du débat public. Je pense à la nécessité d’une gouvernance économique, sociale et démocratique européenne pour faire face aux incohérences de l’euro et prévenir des crises bien prévisibles dans un monde en mutation rapide.

La première édition a été rendue en grande partie possible par l’engagement de Jacques Delors et Gaëtane Ricard-Nihoul de Notre Europe qui ont de suite adhéré à l’idée, puis du Mouvement Européen-France et de sa nouvelle présidente Sylvie Goulard qui se sont joints au projet, ce qui a fait des Etats Généraux une aventure vraiment collective. La dynamique insufflée avec Gaétane et Sylvie a initié un mouvement de fédération d’associations et de syndicats de tout type qui sont au cœur du succès des Etats Généraux de l’Europe. Après la première édition de mars 2007 à Lille sur la fierté européenne, ont suivi celle de 2008 sur la citoyenneté à Lyon puis celle de Strasbourg, qui a porté, en autres, sur la nécessaire refondation du projet européen. Nous arrivons à la 4ème édition qu’EuropaNova et le Mouvement Européen-France préparent avec de grands partenaires. Nous restons avec Jean-Marie Cavada, le nouveau président du Mouvement Européen-France, très vigilants à ce que l’esprit d’ouverture, de diversité, de découverte qui a présidé à la création des Etats Généraux continue à s’épanouir.

 

Nonfiction.fr- Les Etats Généraux de l’Europe se tiennent cette année dans le contexte double de la crise européenne et des élections présidentielles. Comment comptez-vous impacter le débat public et attirer l’attention des candidats sur la question européenne ?

Guillaume Klossa et Jean-Marie Cavada- Voilà maintenant un an que nous préparons avec une trentaine de partenaires de la société civile cette édition. Notre enjeu collectif, c’est faire que l’Europe soit au cœur du débat présidentiel et que ceux qui aspirent aux plus hautes fonctions aient l’opportunité de répondre aux questions que se posent nos concitoyens sur l’avenir de notre pays et de notre continent. Nous partageons une conviction forte : les dirigeants européens et notamment français ne retrouveront des marges de manœuvre politiques, économiques et sociales – et ne seront donc en mesure de mettre en œuvre leur programme politique – que si le projet européen se réinscrit rapidement dans une dynamique positive de croissance, d’innovation et de progrès social. À cet égard, le prochain président français aura un rôle majeur d’inspirateur du projet européen. Nous avons donc naturellement invité les candidats à la présidence de la République pour qu’ils viennent partager leur vision de l’avenir européen et du rôle de notre pays dans la suite du projet européen. Ils ont répondu présents. Leur présence est un signal fort qu’ils donnent aux citoyens français. C’est aussi notre manière à nous d’impacter le débat public. Attendons de voir ce qui se passera effectivement le 10 mars. Mais si les candidats tiennent leur engagement, nous aurons véritablement fait progresser le débat présidentiel.

 

Nonfiction.fr- On dit l’Europe trop loin des préoccupations des gens. Comment faire pour décloisonner l’Europe et amener la société civile à s’en saisir pleinement ?

Jean-Marie Cavada et Guillaume Klossa- Concernant cette 4ème édition des Etats Généraux de l’Europe, avec nos partenaires, nous avons organisé entre janvier et mars des débats sur tout le territoire français qui créent une proximité plus grande et qui permettent aux citoyens de débattre de leurs préoccupations, mais aussi de faire remonter leurs grandes interrogations sur le projet européen et le rôle de la France dans la dynamique européenne. Ce sont ces questions qui vont nous servir d’aiguillon dans l’audition des candidats à la présidentielle. Elles portent sur le sens pour l’avenir du projet européen, sur la manière pour l’Europe de résoudre durablement la crise, sur la place de la France dans la dynamique européenne, sur une organisation plus efficace et plus démocratique de l’Europe… C’est une méthode que nous expérimentons collectivement pour tenter de décloisonner l’Europe et faire que la société civile assume ses responsabilités.

Mais votre question soulève une problématique plus profonde, c’est celle du serpent qui se mord la queue. En période de crise, les préoccupations des citoyens sont des préoccupations de la vie de tous les jours et c’est d’abord préserver son emploi, maintenir son niveau de vie, pouvoir se faire soigner correctement, bénéficier d’une bonne éducation pour ses enfants. Or, sur tous ces sujets, c’est l’Etat, c’est la région qui sont compétentes, très peu l’Union européenne. Le hiatus entre l’Europe et le citoyen est en partie lié au fait que les citoyens attendent de l’Union qu’elle apporte des réponses sur des sujets sur lesquelles elle n’est pas ou peu compétente, et cela crée un cercle vicieux infernal. Mais les citoyens attendent aussi de se réinscrire dans une dynamique de progrès collectif, d’ouverture mais aussi de confiance, et là l’Europe peut et doit agir : prévenir des crises économiques systémiques comme celles que nous vivons aujourd’hui, redonner du sens collectif en régulant les excès du système financier et mettant le capitalisme au service de l’homme et de la société, inventer la société du développement durable et de la mobilité, créer des biens communs continentaux qui redonnent de la fierté aux Européens mais aussi contribuent à créer des emplois d’avenir… voilà les sujets sur lesquels l’Europe devrait agir de manière beaucoup plus convaincante et qui mériterait un véritable portage politique. Si les politiques ne s’emparent de ces sujets, c’est à la société civile de s’en saisir et de créer les conditions d’un débat de terrain.

 

 

Jean-Marie Cavada fut, de 1989 à 1999, producteur et présentateur sur FR3 de l'émission « La marche du siècle ». P-DG et créateur de La Cinquième, de 1993 à 1997, il est nommé P-DG de Radio France en 1998. En 2004, il se lance en politique en se faisant élire au Parlement européen. Il y présidera la Commission des libertés civiles, Justice et Affaires intérieures. Réélu en 2009, il est membre de la Commission Culture et Education, membre suppléant de la Commission des Affaires juridiques et Président de l’intergroupe MEDIA. Il est aujourd’hui Vice-Président du Nouveau Centre. Il préside depuis décembre 2011 le Mouvement Européen-France, une association qui regroupe, au delà de leur appartenance politique, les hommes, les femmes et les associations qui s’engagent en faveur de la construction d’une Europe unie et politique. Créée en 1949, c’est la plus ancienne organisation promouvant l’idée européenne en France.

Guillaume Klossa : À 39 ans, Guillaume Klossa, est le créateur des Etats Généraux de l’Europe. Il préside le think tank européen EuropaNova qui rassemble une nouvelle génération de leaders d’opinion dont les français Cédric Villani, Médaille Fields, la philosophe Cynthia Fleury, le banquier Matthieu Pigasse… Ancien conseiller de Jean-Pierre Jouyet, il a été sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe présidé par Felipe Gonzalez et a été à l’origine de l’idée de fonds de sauvetage européen. Il finalise un rapport sur la réindustrialisation de la France et de l’Europe dans la nouvelle donne industrielle mondiale et vient de publier avec Jean-François Jamet, Europe, la dernière chance ? (Armand Colin).