La Maison Blanche vient d’annoncer un grand nombre d’initiatives consacrées à la vie privée. De plus en plus d’entreprises commencent à tirer profit des données personnelles produites et diffusées par les internautes. Il devient nécessaire de clarifier les règles du secteur. La multiplication des modèles basés sur la mise en place plateforme et d’API rend la compétition difficile à réguler. Quelques acteurs comme Google ou Facebook se sont dotés de moyens informatiques importants et des technologies adéquates pour se positionner peu à peu comme les supports incontournables de toute une filière économique. Quant au citoyen, même si c’est lui qui est à l’origine les données il rentre dans une relation compliquée de production-dépendance. Même si c’est lui qui produit les données, il devient contraint par les nouvelles règles imposées par les plateformes qu’il a pris l’habitude d’utiliser.

Face à ces questions, la Maison Blanche propose de rédiger " une déclaration des droits de la privacy " afin de reconnaître sept grands principes. Mais plutôt qu’une véritable " déclaration des droits ", c’est plutôt un banal code de bonne conduite dont il s’agit. La Federal Trade Commission pilote le projet en défendant le principe de l’auto-régulation des acteurs. C’est une victoire politique certaine pour les géants du web qui ont trouvé un allié en la personne de Barack Obama.

L’enjeu est de taille car l’économie de la vie privée dépend d’un cadre économique, social, juridique et politique très différent selon que l’on se place en Europe ou aux Etats-Unis.

Contrairement aux USA où ces questions sont encore l’objet d’un vrai bras de fer, la vie privée est assez bien définie en Europe – incluant notamment le droit pour les citoyens d’accéder à leurs données, de les modifier et de les supprimer. Comme l’ont rappelé les débats autour du fichier d’emails de l’UMP, la collecte de certaines données est tout simplement interdite. En France, en Allemagne et ailleurs, des autorités administratives indépendantes sont chargées de faire respecter des lois dont l’importance va grandissante, et de les adapter à la société moderne.

Or, l’Europe est un marché essentiel pour de nombreuses sociétés américaines de l’Internet – avec une réglementation très peu adaptée à leurs nouveaux business models. Il leur est bien sur possible de s’adapter, mais le conflit est inévitable – surtout quand ces marchés commencent à rejoindre ceux tout aussi europeanéo-centrés du e-commerce et de la téléphonie mobile. Et comme le dit l’adage, si vous n’êtes le client, c’est que vous êtes le produit.

Dans ces conditions, soit les Etats-Unis rejoignent une position plus européenne en reconnaissant des droits à leurs citoyens, soit ce sont les européens qui évoluent en favorisant des mécanismes beaucoup plus contractuels en laissant les consommateurs se débrouiller face aux conditions générales d’utilisation de Facebook ou de Amazon. Il y a des partisans des deux camps de chaque coté.

Dommage donc que la maison blanche n’ait pas saisi l’opportunité pour créer une véritable déclaration des droits, c’est-à-dire un traité international, négocié entre Etats, ratifié par leurs parlements, discuté par leurs populations, et s’imposant de façon positive dans leurs législations. Etant donné l’importance croissante du numérique dans la vie quotidienne des citoyens, il ne fait aucun doute que l’on aurait sans doute beaucoup de droits à leur reconnaître qui n’existaient sans doute pas il y a encore quelques années.

Après les droits universels de 1948, les droits civils et politiques puis les droits économiques, sociaux et culturels de 1966, pourquoi pas aussi des droits numériques en 2012 ?

PS : Petite update pour indiquer un article assez complet sur electronlibre.