L’ultime variation sur la lutte à mort entre la littérature et le numérique aura lieu sur Twitter. Rien de très nouveau en somme, si ce n’est la limitation géographico-numérique du débat sur le territoire limité des tweets et de leurs 140 caractères. Le schéma reste en effet des plus classiques, puisqu’il est question une fois de plus d’une joute verbale entre les anciens, chantres des bibliothèques et défenseurs des mots de plus de trois syllabes, et les modernes qui – honte à eux – tentent de penser les nouveaux espaces d’Internet comme des opportunités à saisir pour renouveler formes et genres de la littérature comme de l’édition.

Du côté des anciens, on retrouve sans surprise Yann Moix et sa croisade contre l’ebook, "tombeau de l’écrivain" puisqu’il permettrait au texte de s’échapper du texte, à travers les passerelles offertes par les liens hypertextes. La critique littéraire n’a pourtant pas attendu les innovations techniques pour évoquer ce mouvement consistant à " lever les yeux du livre ", considéré au contraire à l’époque comme permettant de prolonger, ailleurs, l’expérience poétique. Autre cheval de bataille - on ne s’étendra pas - la numérisation massive qui marque, cette fois, la mort des bibliothèques. Car, venons-en aux faits, la dernière campagne de diabolisation de Yann Moix a pour objet Twitter, porteur de cette maladie " qui consiste à concevoir l’écriture, non comme le lieu possible d’une parole, non comme le lieu d’une parole possible, mais comme une étendue infinie de bavardage". Sur Twitter en effet, "le commentaire appauvrit. Par sa redondance, par sa jactance, par sa perpétuelle dérision, par sa moquerie incessante, il aggrave le cas d’un texte ou d’un vécu originels déjà indigents". Alors, on saura gré au critique de se contredire lui-même, en dressant ses étendards publicitaires : "Brûlons les e-books. Faisons des e-todafés" ou encore : " Les e-lecteurs ne sont pas des lecteurs. Ce sont des liseurs" sur… Twitter ! Certes, il semble qu’il soit parti du réseau, comme il l’annonçait le 26 janvier.

Du côté des modernes, Laurent Margantin. Sur son blog "Lire numérique – Carnet d’Outre Web", il fuit le pessimisme ambiant des intellectuels et des littérateurs pour explorer les possibles offerts par le net à la création, à l’image de ces échanges littéraires entre photographes et auteurs et autres écritures à quatre mains. On pense également à la (re)création de La Recherche du temps perdu par Véronique Aubouy qui invente une matrice capable de réarranger, en aléatoire, des extraits de ce canon de la littérature, lus par des personnes d’horizons différents. Dernière expérimentation en date, la " twittérature " qui s’est déjà dotée d’une association de défense, l’Institut de Twittérature comparée. S’il semble difficile, au premier abord, de prendre au sérieux ces écrivains qui tentent l’expérience d’écrire en direct un livre sur Twitter   , les arguments des défenseurs de cette nouvelle forme ne sont pas dénués de sens. Les 140 caractères deviennent alors une contrainte de structure, au même titre que les deux quatrains et deux tercets du sonnet, et ces brefs gazouillis, une forme moderne de l’aphorisme.

Alors simple effet de mode ou révolution littéraire en marche ? Sans doute la "Twittérature" restera-t-elle anecdotique ; elle est pourtant le signe que les innovations technologiques ne sont pas uniquement des fins en soi et peuvent devenir des outils de création