Une campagne qui ne s’arrête jamais. D’abord, le dimanche après-midi au Bourget pour un discours clé. François Hollande s’est présenté en tant que leader à la course élyséenne. Ensuite le candidat a poursuivi sa tournée de rencontres sur le territoire français. Le jeudi matin, François Hollande accompagné d’une partie de son équipe de campagne, a décliné son programme devant la presse à la Maison des métallos. Il a détaillé les " 60 engagements " qui orienteront son projet présidentiel.  La journée du candidat ne s’est pas arrêtée là, puisque dans la soirée il était l’invité sur France 2 de l’émission Des paroles et des actes. C’est dans ce cadre qu’il a pu déployer son argumentaire face au numéro deux du gouvernement, Alain Juppé. La prestation du candidat socialiste a été saluée par une bonne partie des commentateurs.

Depuis le début de sa campagne à l’élection présidentielle, François Hollande est resté relativement discret sur ce que sera le contenu substantiel de sa politique lors du prochain quinquennat. Jeudi, d’abord face aux journalistes puis face à Alain Juppé, il a enfin présenté - devant plusieurs millions de téléspectateurs - ses positions en matière d’économie, de fiscalité, d’industrie, de réduction des déficits, d’Europe, de croissance, d’emploi etc... La préoccupation ce soir-là pour le candidat et son équipe de campagne : ne pas être pris en défaut sur le chiffrage de ses propositions. Dans un rude exercice d’équilibriste, le candidat s’est révélé plutôt bon acrobate. François Hollande est apparu comme une force de propositions sur des thématiques sur lesquelles il n’avait pas toujours été très clair. C’est le cas en matière de politique numérique : le candidat a annoncé la suppression d’Hadopi pour la remplacer par une forme de licence globale. Autre point fort de son projet, l’ouverture aux couples homosexuels du droit au mariage et à l’adoption (Libération du Vendredi 27 janvier 2012). Toutefois, les critiques se focalisent surtout sur le retour de la croissance plutôt optimiste prévu en 2014 par le candidat à la présidentielle. Là, les points de vues divergent : la hausse des impôts d’un montant de 29 milliards d’euros fait débat, l’UMP raille le candidat socialiste, certains experts se disent soucieux, dans l’entourage d’Hollande on assure  pouvoir relever les comptes publics avec cette augmentation des prélèvements et des cotisations (Le Figaro du 27 janvier 2012). Quid de certaines niches fiscales - la niche Copé-, dont on ne sait si en tant que président de la République, François Hollande les supprimera ?

Si aux yeux des spécialistes, les " 60 engagements " du projet présidentiel de François Hollande apparaissent crédibles et soutenables, ne faut-il pas s’interroger sur cette " dictature " du chiffre ? La crise financière et économique que traversent les pays occidentaux a très certainement œuvré dans cette " crispation " de l’évaluation. Pourquoi les programmes de chacun des candidats ne pourraient-ils pas être évalués par la Cour des Comptes, entité administrative indépendante qui fournit un travail de qualité en matière de chiffrage des politiques publiques ? Dans ce nuage de chiffres, l’approximation noie souvent le débat et ne permet pas toujours une écoute attentive de la part du citoyen. Certes les candidats doivent être évalués et surtout leurs propositions, car la politique a un coût. Mais le débat d’idées ne trouve pas toujours sa place. Au vu du déroulement récent de cette campagne, la guerre des chiffres fait rage. L’estimation des propositions devient une valeur d’échange entre les candidats eux-mêmes et avec les commentateurs politiques. Alain Juppé ne s’est pas privé de rappeler à François Hollande que sa politique économique sera jugée sur des faits et non sur des annonces : " On verra ce que vous ferez. "