Un projet de construction de rapports entre Arts et Sciences nous vient d’Outre-Rhin, de Berlin même. Intitulé : Kunst als Wissenschaft/Wissenschaft als Kunst (traduit en Art as Science/Science as Art), on en trouve les linéaments sur leur site internet

Voici les éléments conceptuels du programme (nous traduisons).
" À proprement parler, l’art et la science n’ont rien à faire l’un avec l’autre. Pourtant, l’attraction réciproque, la fascination respective même, et sans doute les fruits merveilleux d’une collaboration soutenue, sont aussi vieux que l’art et la science, chacun pour soi. De nos jours, cependant, les temps sont révolus de ce moment où des artistes faisaient des découvertes scientifiques importantes, et des maîtres de l’art contemporain créaient des savoirs puissants. De surcroît, nous sommes largement éloignés du temps de l’interprétation multiforme de la légende du Golem, mais aussi de l’époque où Michel-Ange et Léonard de Vinci faisaient exister entre l’art et la science une profonde interaction, période qui s’est étendue jusqu’au XVIII° siècle, c’est-à-dire jusqu’à la fin du modèle d’un esprit de recherche universel. Depuis cette époque, effectivement, art et science, semble-t-il, vivent séparés.

Les mondes créés dans et par chacune de ces deux disciplines, art et science, son divisés. Là où, toutefois, se maintient un lien, la liaison demeure superficielle, une liaison simplement apparente. On peut en prendre pour témoin l’exposition banale de l’harmonieuse beauté des structures du cristal (de la science prise pour de l’art), ou la superficielle exposition artistique en public des équations de Mandelbrot. Un tel " exposé " des " belles " formes des mathématiques est un exemple frappant du malentendu qui peut régner dans le couplage art et science.

De surcroît, l’usage d’un vocabulaire spécialisé et différent pour chaque registre accentue l’absence de communication possible entre eux. De ce fait, les espoirs et les attentes des artistes et des scientifiques relativement à des fruits rapides issus d’un dialogue entre eux sont rapidement déçus. Enfin, l’art n’est pas libre des contraintes et des nécessités du désir moderne de recherche, et la science n’est pas libérée non plus d’une collection de chiffres incapables de créer quoi que ce soit.

À longue échéance, cependant, un certain dialogue devrait permettre une intercompréhension des pratiques respectives, et faciliter la découverte de traits communs, ainsi que leur exploration, grâce à l’établissement d’un niveau de dialogue qui rendrait possible la communication entre les deux mondes et la disparition de leur étrangéité réciproque. Cela étant, dans ce dessein, les artistes doivent consentir à s’extraire du système de fonctionnement de l’art contemporain, et accepter de rentrer dans un contexte dans lequel se formulent des critères d’évaluation différents des leurs. De même que la science doit commuer ses objets de recherche très spécialisés par des systèmes de grille trop fermés et les muer en objets accessibles.

Si les artistes et les scientifiques veulent entrer dans un dialogue fécond, ils doivent considérer qu’ils se rencontrent entre spécialistes de différents domaines. Ils doivent accepter respectivement d’appartenir chacun à des mondes d’expérience et de langage relevant de systèmes différents. Ils doivent accepter de rencontrer des méthodes de travail différentes. Ils doivent comprendre que leur propre domaine se divise aussi en innombrables sous-groupes différents, qui rendent la perception réciproque plus difficile, d’autant qu’ils ont chacun leurs règles et leurs protagonistes.

C’est ce pourquoi, d’autant plus, la recherche d’un langage commun doit faire l’objet d’un long processus de travail, à accomplir en phases successives. "

Et la présentation de ce projet de recherche se termine par une citation de Raymond Chandler : " La vérité de l’art fait obstacle à un savoir qui serait devenu inhumain, et la vérité de la science fait obstacle à un art qui tomberait dans le risible "