Comment échapper à la tentation de l’antijuridisme lorsque tant d’exemples d’interférences du pouvoir politique suscitent de sérieux doutes quant à l’autonomie des formes du procès, et que celui-ci offre si souvent le spectacle d’une d’inégalité flagrante entre les parties ?

A cette interrogation légitime, Antoine Garapaon   apporte, dans le dernier numéro de la revue Esprit, une réponse fondée sur une conception du procès empruntée à Ricœur comme lieu effectif de la réalisation du juste, lieu permettant un véritable événement.

Cet évènement, ce momentum du procès, consiste en la "rencontre médiatisée par des formes particulières" des parties en présence (en co-présence). Elle procède de la capacité qui leur est conférée de se justifier de leurs actes par des récits.

S’il s’agit précisément à travers cette confrontation de mettre à l’épreuve leurs récits pour qu’en surgisse la vérité, l’importance du procès repose sur le type de relation qu’il institue entre les parties face au tiers de justice.

La justice, lieu de comparution, est ainsi pensée par Ricœur comme une métaphore de la coexistence humaine, qui préfigure la relation politique en ce qu’elle suppose l’expérience de l’altérité. Le procès donne – temporairement certes – un visage à l’Autre et crée un rapport de proximité entre des individus libres et capables d’agir, tout en maintenant entre eux une juste distance dans un espace commun.

Cette juste distance repose sur la capacité – et donc la responsabilité – de chacun et confère à la justice sa vertu démocratique.

Florent Bourderbala.


Antoine Garapon, "Le droit mis à l'épreuve", Esprit, "Le procès : la justice mise à l'épreuve", Août-septembre 2007, p. 208-217.