Comment et sous quels termes penser les rapports entre les mathématiques ou les mathématiciens (ce qui n’est pas identique) et les arts (modernes et contemporains de surcroît) ? Du moins chacun reconnaît-il aisément qu’il ne suffit pas, pour l’artiste, d’illustrer des mathématiques ou, pour le mathématicien, d’aimer les œuvres géométriques pour avoir résolu le problème. 

 

Pour avancer dans l’énoncé de la question, il est possible de partir d’un constat, ainsi que le fait le dépliant qui présente Agora 2011 : "La création moderne a très souvent croisé les outils mathématiques de son temps (théorie des ensembles, musique formelle et musique aléatoire, influence de Poincaré sur les cubistes, programmes incompressibles, l’incalculable et l’irréductible...) tandis que l’art inspirait à son tour les mathématiciens". Sans doute. Encore conviendrait-il de vérifier la teneur du propos. Ce croisement s’est-il établi sur la base de mathématiques ou d’une idée des mathématiques construite par les artistes ? Inversement, quel est le présupposé des mathématiciens concernant les arts ?  

 

Il est possible aussi de se focaliser sur l’ancêtre par excellence en cette matière, Karlheinz Stockhausen : "Celui qui aura ouvert et parcouru chaque voie jusqu’à son épuisement, musique électronique dans l’espace ou opéra, écriture de l’ordre absolu ou liberté de la musique intuitive, a conçu son œuvre comme prospective et archétype". Du moins part-on alors d’une pratique artistique. 

 

C’est sur cette voie qu’il convient de s’engager. Celle qui consiste à préférer partir des pratiques des uns et des autres. C’est évidemment pour cela que le festival Agora convoque : Pierre Boulez, Emmanuel Nunes dont l’Ircam marquera le 70e anniversaire, la figure de Karlheinz Stockhausen, et des chercheurs de renom comme Alain Connes et Alain Badiou. 

 

De ce fait, l’énoncé du problème ne devrait plus relever d’un simple jeu de mots, comme on en entend souvent. Ainsi celui-ci : A la "déraisonnable efficacité" des mathématiques (Eugène Wigner) dans les arts semble répondre l’illumination esthétique de la découverte mathématique. Ce jeu n’aboutit pas à grand chose, sinon à faire croire qu’il existe une conjonction entre intuition mathématique et intuition artistique, logique et imagination, vision et exactitude. Cette série laisse planer un doute : si une telle conjonction existe, pourquoi les résultats diffèrent-ils ? 

 

Afin de vérifier tout cela, Agora propose un programme qui commence par des œuvres, par exemple : Les Temps tiraillés de Myriam Gourfink produits dans l’installation d’Anish Kapoor au Grand Palais, le rendez-vous d’Eszter Salamon au Centre Pompidou et, en ouverture, la création de Luna Park de Georges Aperghis à l’Ircam. 

 

Puis, du 11 au 18 juin, des conférences articulées autour de la troisième conférence internationale "Mathematics and Computation in Music" (MCM 2011) qui constitue une plateforme multidisciplinaire dédiée à la communication et aux échanges d’idées entre les acteurs impliqués dans l’application des mathématiques aux arts, à l’informatique musicale, la théorie de la musique, la composition, la musicologie.

 

Se rencontreront : des scientifiques et philosophes (Alain Connes, Alain Badiou, Jean-Marc Lévy-Leblond, Yves Hellegouarch, Jean-Paul Allouche, Claude Bruter, Jean-Claude Risset, Guerino Mazzola…), des créateurs (Pierre Boulez, Jacques Mandelbrojt, Tom Johnson…) et des informaticiens (Stephen Wolfram…). 

 

Et pourquoi ne pas commencer par regarder les vidéos publiées sur le Net par l’Université de Nancy 2, Universciences et Philomag ?