* Le 28 avril, nous publiions le compte-rendu d'un décryptage expliquant la très faible probabilité d'une intervention significative de la communauté internationale face aux exactions du régime syrien: six semaines plus tard, l'impuissance des pays de l'ONU semble donner tout son sens à cette analyse.

Observateur attentif du Proche et du Moyen-Orient au sein de la rédaction du Zeit Online, version Web du grand hebdomadaire basé à Hambourg, Steffen Richter livre le 27 avril une analyse des ambigüités apparentes de la politique occidentale face aux mouvements de révolte dans le monde arabe.

Alors que l’organisation syrienne de défense des droits de l’homme Sawasiah annonce que la répression armée des protestations contre l’autoritarisme et le clientélisme du régime de Bachar Al Assad auraient déjà fait 400 morts parmi les civils depuis la mi-mars, un constat s’impose : l’action de l’Occident en Libye mais aussi son soutien aux révolutions tunisienne et égyptienne contrastent pour le moins fortement avec sa retenue face aux exactions ordonnées par Damas.

Au-delà des hésitations, des contradictions et parfois même des ridicules (comme celui de l’offre de service de MAM à Ben Ali) qui ont précédé le ralliement de la France et des Etats-Unis aux manifestants, Steffen Richter rappelle d’abord que la décision d’une action militaire en Libye avait déjà été prise contre l’avis de Robert Gates, ministre américain de la Défense. Celui-ci soulignait alors la nécessité de s’adapter aux conditions particulières des territoires. Mardi, son homologue britannique Liam Fox a à son tour expliqué que certains espaces échappent pratiquement aux facultés d’ingérence de l’Occident. En d’autres termes, des tensions géopolitiques de niveau local, régional et mondial excluraient de fait certains pays du "devoir de protection" défini comme principe fondateur de l’ONU.

En réalité, la situation de la Syrie, dont le territoire est contrôlé par une armée puissante et soupçonnée d’avoir accès à la technologie nucléaire, est profondément différente de la situation qui prévalait en Libye lorsque fut prise la résolution 1973 de l’ONU. Tout comme est différente la situation des Etats-Unis et des pays européens, engagés sur un nouveau front s’ajoutant aux guerres d’Irak et d’Afghanistan.

Mais pour Steffen Richter, "le second facteur expliquant la passivité de la communauté internationale est l’éventualité d’un accroissement de l’instabilité politique au Proche-Orient, et donc le risque qu’elle ne s’étende aux pays d’où provient le précieux pétrole." Ainsi, pour l’Arabie Saoudite, la Turquie et Israël comme pour les Occidentaux, l’équilibre régional dépendrait de la stabilité du régime syrien, seul contrepoids à la puissance croissante de l’Iran depuis la chute d’Hosni Moubarak, et seule alternative devant le risque d’un régime islamiste radical. Un "moindre mal" en définitive. Quant à la Russie, allié traditionnel de la Syrie, et à la Chine autocratique, il est hautement improbable qu’elles soutiendraient une résolution de l’ONU.

Après plusieurs années de négociations informelles entre divers pays occidentaux, Israël et la Syrie pour désamorcer le conflit israélo-syrien et détacher cette dernière de l’influence iranienne, il est donc peu envisageable que quelque pays que ce soit prenne la responsabilité de raviver les tensions avec Damas, a fortiori si celles-ci devaient résulter de sanctions trop légères pour être efficaces. Reste alors le mince espoir que de tels régimes s’effondrent un jour d’eux-mêmes, ce à quoi ne pourront guère œuvrer que les officiers de leurs armées, pour lors les cadres de la répression

•    Steffen Richter, "Westen misst Syrien und Lybien mit zweierlei Maß", Zeit Online, 27 avril 2011