L’écrivain et éditeur Jaime Semprun vient de nous quitter à l’âge de 63 ans. Fils de Jorge Semprun et Loleh Bellon, il consacra sa vie à développer une critique radicale de l’Etat et de la société industrielle, tantôt aux côtés des situationnistes et de Guy Debord, tantôt au sein du mouvement anti-industriel. Ses essais incluent La Guerre sociale au Portugal (1975), Précis de récupération, illustré de nombreux exemples tirés de l'histoire récente (1976), La Nucléarisation du monde (1980), L'Abîme se repeuple (1997), Défense et illustration de la novlangue française (2005) et Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable (avec René Riesel, 2008).

Il fonda la revue Encyclopédie des Nuisances en 1984, puis les Editions de l’Encyclopédie des Nuisances en 1991, où il publia notamment Baudouin de Bodinat, Lewis Mumford, Theodore Kaczynski, Jean-Marc Mandosio, Bernard Charbonneau ou encore William Morris. Il contribua aussi beaucoup avec Gérard Lebovici à la diffusion de textes inédits de George Orwell en France.

Voici quelques phrases de Jaime Semprun citées par le blog Le vieux monde qui n’en finit pas : "Toute réflexion sur l'état du monde et sur les possibilités d'y intervenir, si elle commence par admettre que son point de départ est, hic et nunc, un désastre largement accompli, bute sur la nécessité, et la difficulté, de sonder la profondeur de ce désastre là où il a fait ses principaux ravages: dans l'esprit des hommes. Là il n'y a pas d'instrument de mesure qui vaille, pas de badges dosimétriques, pas de statistiques ou d'indices auxquels se référer. C'est sans doute pourquoi rares sont ceux qui se hasardent sur ce terrain. On grommelle bien ici ou là à propos d'une catastrophe "anthropologique" dont on ne discerne pas trop  s'il faudrait la situer dans l'agonie des dernières sociétés "traditionnelles" ou dans le sort fait aux jeunes pauvres modernes, en conservant peut-être l'espoir de préserver les unes et d'intégrer les autres. On pense cependant avoir tout dit lorsqu'on l'a dénoncée comme le produit de la perversité "néo-libérale", qui aurait inventé récemment la fameuse "globalisation des échanges": on se défend ainsi de reconnaître, après tant d'années et de slogans "anti-impérialistes", que cet aspect du désastre a quelque chose à voir avec une logique d'universalisation depuis longtemps à l'œuvre, et relève de bien plus que d'une simple "occidentalisation du monde"."