Dans une note rédigée par l’économiste Pascal Perri   la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) met en avant "Quatre idées pour renforcer le pouvoir d’achat". Prenant acte en introduction du transfert de richesse qui s’est opéré en vingt ans des salaires vers le capital ("Environ 150 milliards d’euros ont changé de main chaque année, 150 milliards en moins pour les salariés français"   ), Pascal Perri propose quatre idées visant à augmenter non pas les salaires mais le pouvoir d’achat par une baisse des prix et des impôts.

1- "Soutenir l’intensité concurrentielle"

Afin de faire baisser les prix, Pascal Perri démontre en premier lieu l’importance d’une concurrence accrue dans le marché de la distribution. Certes, reconnaît-il, la loi de modernisation économique (LME) votée en 2008 allait déjà dans ce sens en se fixant deux objectifs : encourager l’arrivée de nouveaux entrants et supprimer les marges arrière. Cette loi, promettait Michel-Edouard Leclerc devait permettre une baisse de 5% des prix. Aujourd’hui on sait qu’il n’en est rien et que les prix ont même continué d’augmenter de 0,4% en 2009.

Pascal Perri fait le constat d’un marché de la distribution en France "dominé par les ententes concurrentielles". Citant une étude de la société ASTEROP en 2007, il montre avec carte à l’appui que les zones où une enseigne est en situation de leadership   se concentrent surtout autour des grandes agglomérations – Paris et l’Île-de-France, Lyon, Marseille, Nantes, Nice et Toulouse.

Au-delà d’un contrôle sur les prix, Pascal Perri préconise un "observatoire des marges" pour faire toute la lumière sur les négociations entre fournisseurs et distributeurs. Cela permettrait de comprendre par exemple "comment le revenu des agriculteurs a bien pu baisser de 35% en un an au moment où les prix de détail des produits agricoles finis ou transformés augmentaient pour certains très sensiblement". Pascal Perri note surtout qu’aucune instance permet de faire appliquer la loi de modernisation de l’économie et propose de renforcer les pouvoirs et les moyens du Conseil de la concurrence.

2- "Un low cost à la française"

La deuxième idée est pour le moins originale. Pascal Perri envisage le développement d’"un low cost à la française" comme une solution aux difficultés financières des salariés. Au préalable, il invite à "lever les barrières psychologiques", certaines personnes continuant, à tort selon lui, à penser que ce modèle économique "se bâtirait sur la misère sociale et sur le renoncement à la sécurité et à la qualité de ses produits"   . M. Perri n'avance toutefois dans la suite du texte aucun argument contraire.

Il va chercher en fait la légitimité du low cost chez les consommateurs qui plébisciteraient majoritairement ce modèle. Et l’auteur de citer un rapport de Charles Beigbeder, vice-président de la Fondapol, rédigé par une commission d’ "experts" – qu’il connaît bien pour en avoir fait partie – et qui montre que les Français sont prêts majoritairement à acheter du low cost.

L’économiste décline ensuite les différents avantages du low cost à travers deux enseignes : PrixBas et IKEA . La première, créée à Mulhouse par le groupe Auchan, est "inspiré(e) du modèle russe des grands supermarchés"   . PrixBas, inauguré en mars 2010, est en fait le premier hypermarché discount où sont proposées plus de 30 000 références contre 1000 dans un hard discount traditionnel. Les campagnes de publicité sont supprimées et le service à l’intérieur réduit au strict minimum : généralisation des caisses automatiques, circulation dans des chambres froides pour aller chercher fruits et légumes, suppression des rayons boucherie, poissonnerie et boulangerie avec la mise en place d’un self-service intégral… permettant la suppression d’une trentaine d’emplois, un coût social que ne mentionne pas Pascal Perri.

Le modèle économique sur lequel repose Prixbas semble s’inspirer de la chaîne de supermarché Wal-Mart. Apparu en 1962 dans l’Arkansas, Wal-Mart est devenu la plus grande firme et le premier employeur au monde. Moins développé à l’international que Carrefour, le deuxième du secteur, Wal-Mart a réussi néanmoins à imposer son modèle économique du low cost dans les esprits. Celui-ci pourrait être décrit en quelque sorte comme l’inverse du fordisme. Là où l’usine Ford payait des salaires élevés à ses ouvriers pour qu’ils puissent s'acheter une voiture, Wal-Mart sous-paie ses salariés qui pourront toujours aller consommer dans ses magasins grâce à ses "everyday low prices". Certes, Wal-Mart peut se targuer d’avoir des prix inférieurs de 14%. Mais dans le même temps, le revenu moyen des salariés a chuté de 2,5% à 4,8% dans les comtés où Wal-Mart s’est installé. Ce modèle prôné par Pascal Perri vise en fait à faire disparaître la figure du "salarié" au profit de celle du "consommateur".

3- "Rétablir le principe de l’impôt progressif" et vaincre l’ "État glouton"

Pour Pascal Perri, un impôt juste est un impôt qui doit être payé par tout le monde : il propose comme troisième idée d’élargir l’"assiette fiscale" en imposant les "moins bien lotis" tout en faisant "baisser le taux d'imposition" des revenus plus aisés, ceci afin de renforcer leur pouvoir d’achat. C’est apparemment la conception que se fait la Fondapol d’un "impôt progressif". M. Perri en profite également pour pourfendre l’ "État glouton" et les "collectivités territoriales dépensières", responsables selon lui de la baisse du pouvoir d’achat.

4- "Un soutien sélectif à une consommation de qualité"

La dernière partie est un ensemble hétéroclite d’idées surprenantes. Pascal Perri, se souvenant soudain qu’il existe 7 millions de Français vivant avec un revenu net de moins de 1000 euros par mois, met en avant son idée d’un "chèque-consommation" – 150 euros par an – avec lequel les pauvres pourront acheter uniquement des fruits et des légumes. Cette mesure permettrait à peu de frais d’améliorer la santé publique car "les plus pauvres sont contraints de consommer des produits à bas prix mais trop salés, trop sucrés et trop gras"   . Visiblement, le modèle low cost n’aurait pas que des vertus.

Parmi les autres idées évoquées, citons la libéralisation "urgente" du marché des médicaments, ainsi que la libéralisation du marché de l’électricité afin de "favoriser les autres opérateurs" – et pourquoi pas POWEO, dont le PDG n’est autre que Charles Beigbeder, par ailleurs vice-président de la Fondapol. Les notes de la Fondapol sont de fait très instructives et intéresseront ceux et celles qui veulent en savoir plus sur ce qu’est la pensée "libérale, progressiste et européenne."