Le dernier numéro du Débat publie un remarquable article de Patrice Gueniffey sur "Les "Napoléons" de François Furet". Historien de la Révolution et historien "en révolutions", ce-dernier a profondément marqué le champ historiographique du sujet. On se rappelle de son livre La Révolution française, écrit en collaboration avec Denis Richet, qui avait signifié une rupture d’interprétation profonde. Prenant acte des études précédentes, Furet y expose une Révolution menée par le haut qui "dérape" en 1793. L’historien y inscrit aussi l’épisode révolutionnaire dans une chronologie différente, intégrant jusqu’au Directoire.

À sa mort malheureuse en 1997, François Furet préparait une biographie de Napoléon. On n’en connaîtra jamais le résultat, mais on sait les articles que l’historien avait déjà publiés sur le sujet. P. Gueniffey se propose ainsi, sans préjugé sur ce qui n’a pas été, de nous amener au "point de départ", proposant au lecteur de se replonger aux sources d’un cheminement intellectuel qui restera éternellement inachevé.

Entre aventure et nécessité, comprendre le moment napoléonien c’est l’inscrire dans le cadre révolutionnaire, enfant et bourreau de la Révolution – Bonaparte ne sera jamais entièrement un "Washington français". À mi-chemin du deuil et de la consolidation, son "règne" marquera un point de non-retour, sans jamais pouvoir apporter une stabilité européenne durable.

On ne saura finalement jamais ce qu’aurait été le Napoléon de Furet, mais on savoure cette tendre spéculation, à l’ombre de la figure légendaire de celui que beaucoup voient comme le dernier des "monarques éclairés". 


* Le Débat, n°150, mai-août 2008, 16,50 €