À l’heure des confinements, une réflexion sur l’art d’habiter.

Dans La Maison du retour (2007), le journaliste et écrivain Jean-Paul Kaufmann relatait la restauration de sa nouvelle demeure dans les Landes après avoir été otage au Liban. Avec Chez soi (2015), Mona Chollet analysait les différentes fonctions d’un domicile et des manières de l’habiter. C’est au tour de Nathalie Heinich de creuser le sillon des rapports que nous entretenons avec notre logis. Connue principalement pour son œuvre de sociologue, Nathalie Heinich avait publié en 2013 Maisons perdues – une incursion dans son histoire familiale – que vient compléter La Maison qui soigne. Histoire de « La Retrouvée ». Avec ce livre, c’est une autre facette, plus intime, de sa personne que nous invite à découvrir la sociologue.

« La Retrouvée » désigne la résidence secondaire de Nathalie Heinich, en Haute-Loire, située entre deux villages liés à sa mémoire familiale : le premier a caché son père pendant la Seconde Guerre mondiale, le second est celui où elle a passé ses vacances enfant. Achetée en 2012, après une longue et difficile recherche, cette maison de village de moyenne montagne, « trop moche », pour reprendre les mots de Nathalie Heinich, est l’objet de nombreux travaux avant de correspondre à l’image souhaitée par celle-ci. Aménagement, décoration, plantations dans le jardin, etc. In fine, « tous les objets ont trouvé leur place, comme un puzzle en trois dimensions qui [...] reconstituerait la vie [de l’auteure]. Ainsi, la maison, une fois meublée et décorée, est-elle devenue comme la métonymie d’une vie. »

Le jardin, avec ses bancs, occupe une place importante dans le propos de Nathalie Heinich. Elle détaille les arbres et plantes ajoutés, observant également la faune locale, oiseaux et insectes – avec inquiétude parfois lorsqu’elle se fait plus rare. Outre sa maison, la sociologue décrit la vie de village, ses sociabilités et les amitiés qu’elle vient à nouer sur place, soulignant à plusieurs reprises le bon accueil qui lui est réservé, notamment par ses voisins. Elle revient sur l’écoulement des saisons vu à travers les métamorphoses de sa maison et de son environnement.

Paradoxalement, c’est sûrement le fait que cette maison ne lui convenait pas du tout initialement qui lui a permis de la transformer au point de la faire sienne. « Acheter une maison imparfaite, c’est s’offrir la possibilité de lui donner sa forme idéale. Car la réalité, avec toutes ses imperfections, c’est bien mieux que l’idéal : au moins elle nous résiste, et nous permet d’agir. C’est-à-dire d’exister. » Cette suite de notes, parfois discontinues, se veut finalement une réflexion sur l’art d’habiter et d’être habité. Ou comment une maison se transforme en foyer : « J’ai su alors que cette maison était vraiment devenue mon chez-moi : le lieu où l’on rentre chez soi. »