Une invitation pour petits et grands à découvrir l'époque carolingienne en bande dessinée.

Dans Qui est Charlemagne ? Sylvie Joye, spécialiste du haut Moyen Âge, et Damien Vidal, auteur de bande dessinée, unissent leurs forces pour croquer l'autre grand Charles. L’historienne et le dessinateur, dans le cadre de la collection « Histoire dessinée de la France » des éditions La Découverte, offrent ici un sympathique ouvrage qui se montre à la fois accessible et ambitieux.

Le Louvre : le début de l’aventure

Tout commence avec une visite au Louvre, lorsque deux élèves quelque peu flâneurs – innocent pléonasme - s’égarent dans les larges et majestueux couloirs de l’ancienne demeure de Philippe Auguste. Il est des égarements fructueux. Celui-ci conduit nos deux compères au pied de la statue équestre de Charlemagne qui, en 1934, prit ses quartiers dans le musée. Le coup de foudre est immédiat et – parce que c’était lui ; parce que c’étaient eux – attire nos jeunes héros du jour dans le tourbillon de l’Histoire. Mais qui est ce Charlemagne au juste ? Le fils de Pépin et de Bertrade commencent par nous rétorquer les auteurs. Il est aussi et surtout celui qui, à la mort de son encombrant frère Carloman en 771, peut régner en seul maître sur le peuple des Francs.

Une fois les présentations faites, les deux mousses peuvent reprendre la traversée du Louvre pour faire escale devant une statue de Louis XIV. Drôle d’endroit pour une rencontre ! Cette péripétie offre l’occasion aux auteurs d’en dire davantage sur la récupération de Charlemagne, qui ne tarda pas à devenir un modèle pour ses successeurs. Ainsi, une joute verbale oppose le roi soleil à Napoléon III et au grand Charles, de Gaulle cette fois-ci. Chacun à sa manière revendiqua l’héritage du carolingien qui ne cessa jamais de les inspirer.

En route pour Aix-la-Chapelle !

Ce rapide éclairage historique ne tarde pas à s’estomper que, déjà, les jeunes aventuriers sont conviés au palais d’Aix-la-Chapelle. La visite est conduite par un prestigieux guide, le premier biographe de notre roi et empereur, Eginhard en personne. Celui-ci conduit ses hôtes aux thermes, où Charles se prélasse.

La plume de Damien Vidal parvient à plonger le lecteur au cœur du majestueux complexe palatial, où la réappropriation de l’héritage antique servait à rehausser le prestige des souverains carolingiens. Plus que le biblique David, c’est bien Constantin qui semble avoir donné des idées de grandeur à Charles comme le rappelle subtilement Sylvie Joye.

Charlemagne et son temps

La ballade se poursuit ensuite dans les coulisses du règne du Charles, dans cette arrière-salle en pleine effervescence s’activant au service de la grandeur du souverain. En croquant un atelier de copistes, une pièce de monnaie un peu trop usée – pourquoi ne pas tenter de restituer les traits d’une pièce flambant neuve ? – ou un beau parchemin couvert de l’élégante minuscule caroline, les deux auteurs parviennent tout de même à évoquer avec talent ce que fut la « renaissance carolingienne ». Damien Vidal reproduit finement les caractères arrondis et allégés en ligatures que les moines-copistes élaborèrent à partir des années 780. Charles n’est pas seul et peut compter sur une foule d’intellectuels et de travailleurs attentifs dont l’œuvre profita au carolingien.

Le voyage touche, un peu brutalement, à sa fin lorsque les deux amis se retrouvent face à l’épée dite de Charlemagne. Voilà l’occasion donnée d’en dire un peu plus sur cet objet chargé d’histoire qui fut utilisé dans le cadre des sacres royaux jusqu’en 1825 !

Enrichi d’heureux dossiers placés après la bande dessinée, l’ouvrage offre un point de vue instructif sur le règne de Charlemagne. Bénéficiant des apports les plus récents de la recherche, le texte de Sylvie Joye – la question du couronnement impérial de 800 est par exemple adroitement résumée – se montre à la fois accessible et précis. La plume de Damien Vidal est à l’image du texte, claire et adroite. Bien sûr, il ne faut pas rechercher dans cette bande dessinée à destination du jeune public les subtilités réservées aux livres d’histoire. On saluera toutefois la volonté de combler les lacunes grâce aux dossiers complémentaires. Les plus pointilleux pourront regretter les fréquentes allusions aux événements et aux personnages contemporains qui, loin d’éclairer le jeune lecteur, sèment la confusion. On pense par exemple à la reproduction d’une célèbre photo de Mao se baignant mise en parallèle avec Charlemagne faisant de même : quel collégien connaît encore le Grand Timonier ? Ne faudrait-il pas, au contraire, évacuer ce présent –  par trop présent dans nos vies – afin de mieux ressentir le poids du passé ? Malgré cela, l’ouvrage demeure de grande qualité et donnera très certainement envie aux jeunes esprits de poursuivre le voyage en terres carolingiennes !