Le départ à la retraite de Gilles Morin, l’un des chercheurs les plus actifs sur l’histoire du socialisme, a donné lieu à un hommage de la part de certains de ses collègues et amis.

L’homme et l’œuvre

Gilles Morin appartient à cette catégorie d’historiens qui ne rédige des articles que sur la base des archives. Il est extrêmement fréquent de le rencontrer dans ce lieu prisé de quelques professionnels : les Archives qu’elles soient nationales, de la Préfecture de Police ou de l’Office universitaire de recherche socialiste, par exemple. Un homme généreux, qui ne garde pas ses documents pour lui. Il n’hésite pas à transmettre ses fichiers, indique les côtes, prodigue des conseils, encourage les recherches, bref plus qu’un simple collègue il s’agit d'un vrai passionné.

À l’âge de la retraite professionnelle de l’Éducation nationale, mais heureusement pas de la recherche, Gilles Morin présente déjà une bibliographie considérable. Il a publié au total une douzaine de livres et chose exceptionnelle, ils sont toujours le fruit d’un travail collectif : colloques et groupes de recherche. Dans ce même état d'esprit, il a contribué à un nombre important d’ouvrages collectifs et de revues, telle une véritable cheville ouvrière, que ce soit par exemple au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, à la revue Vingtième siècle ou à la revue Recherche socialiste. Il faudrait ajouter ses interventions et ses activités associatives pour mettre en avant une œuvre ou une meilleure ouverture des archives. Bref, une activité inlassable dont les mélanges couvrent tous les aspects à une exception près : celui de son activité d’enseignant dans le secondaire. Cinq grands thèmes articulent l’ouvrage organisé comme autant de rappels de ses activités de chercheurs : les biographies, la guerre, les archives, le socialisme et la police. Si les articles sont analysés transversalement, une belle galerie de portraits intellectuels et politiques figure dans l’ouvrage.

 

Une histoire de socialiste…

Des socialistes sont majoritairement présents, mais pas uniquement. Ainsi, le prêtre ouvrier et syndicaliste haut savoyard, Jacques Vivez émerge. Les militants sont abordés sous différents angles. Des parcours retracés classiquement, comme celui d'Eugène Baudin, élu socialiste de Vierzon, dont l’itinéraire permet de voir la construction du socialisme dans sa version jaurésienne. Il y a également des hommes de second plan, comme Jean Lorris, porte-parole de la SFIO, mais surtout rédacteur infatigable de brochures de vulgarisation. En passant par des cadres syndicaux en formation, comme le jeune Pierre Rosanvallon, intellectuel de la CFDT, qui signe sous le pseudonyme transparent de Pierre Ranval, Hiérarchie des salaires et luttes des classes.

L’ouvrage fourmille de portraits évoquant les années sombres comme cette collaboratrice ordinaire, fusillée en 1944, Maud Champetier de Ribes, compagne d’un milicien qui elle-même s’est livrée à de nombreuses exactions, une Lacombe Lucien au féminin. Les auteurs poursuivent les réflexions sur les socialistes pendant la guerre. Ils mettent l’accent sur la zone grise de la SFIO et l’analyse critique à travers les figures et surtout les archives inédites d’Alexandre Varenne, puis son journal, et de Jean-Baptiste Séverac, ou encore la correspondance croisée d’un responsable socialiste.

 

Et une histoire du socialisme

L’ouvrage interroge les liens entre le socialisme et la société, que ce soit à travers l’implantation du socialisme en Bretagne ou la conflictualité entre socialisme et monde enseignant au temps de la guerre d’Algérie. Enfin, comme une résonnance avec l’actualité, d’autres se penchent sur l’année 1983 quand les socialistes ont voulu remettre la police au pas.

Ces quelques exemples montrent à travers les articles la richesse des approches qu’a développé Gilles Morin pendant ces années. Un remerciement pour « ce qu’il a apporté et apportera encore », comme le note Antoine Prost dans sa préface. Maintenant que Gilles Morin cherche à plein temps, les sollicitations et contributions risquent d’augmenter….