La 13e division SS en Bosnie a généré nombre d’analyse, le dépouillement des archives permet aux historiens de remettre en perspective les faits et la réalité.

L’ouvrage de Xavier Bougarel propose une réévaluation de l’histoire de la 13e division SS créée en Bosnie Herzégovine, et qui par sa composition majoritairement musulmane, a suscité de nombreuses interrogations, publications et polémiques. Son livre repose sur le dépouillement des archives souvent inédites de Bosnie Herzégovine, de Croatie, de Serbie et d’Allemagne. Il se compose de cinq grands chapitres thématiques permettant de remettre en perspective et d’interroger les formes extrêmes de la collaboration en Bosnie, le poids de l’Islam, le choix de la participation à la SS, les massacres commis et les avantages offerts à ses combattants par l’appareil nazi.

 

La division Handcshar, un objet historique et politique

En raison de l’actualité : à savoir la guerre dans l’ancien espace yougoslave puis l’émergence du terrorisme islamiste, la division 13e divisions SS est l’objet d’une attention soutenue. Elle est analysée à travers sa composition religieuse. Pour lui donner un caractère encore plus sanguinaire son surnom est Handschar (le poignard), qui n’existe qu’à partir de mai 1944. Elle est définie ainsi dans la majeure partie des enquêtes alors qu’elle est née un an auparavant sous le simple nom de 13e division SS. L’exploitation systématique des archives permet d’approfondir et de réévaluer plusieurs aspects de son histoire en insistant sur la dimension sociale de cette entreprise.

La 13e division SS est fondée en 1943 sur une décision et un décret personnel d’Hitler. Les raisons reposent sur une dimension géostratégique et une politique. Il s’agit pour le dictateur d’utiliser les notables musulmans dans la lutte anticommuniste, dans son projet génocidaire tout en leur faisant miroiter des avantages sociaux. Si une partie des responsables musulmans de Bosnie répond favorablement, la collaboration des musulmans de Bosnie demeure relativement réduite et le nombre de volontaires dans la SS est faible, un peu plus de 20 000 hommes y ont participé. Les Allemands représentent 15 à 20 % de l’unité mais 50 % de l’encadrement et 90 % de la direction. Parmi les recrues dans l’espace yougoslave 90 % sont musulmans, 65 % des hommes sont enrôlés de force, 35 % sont volontaires. Ses viviers de recrutement sont les personnes déplacées et les soldats prisonniers. Le recrutement de la division comme le non-respect des engagements pris par les autorités nazies avec le déplacement de la division en France entrainent sa mutinerie en 1943. L’examen de la révolte montre qu’il s’agit pour l’essentiel d’une protestation contre les mauvaises conditions de vie et surtout pas d’une révolte antifasciste. De retour en Bosnie, les conditions de vie sont directement à l’origine de la désertion massive qui existe dans cette division, près du quart des effectifs. Inversement un autre quart choisit de participer à la division pour des raisons idéologiques. Ces SS se sont battus jusqu’au bout sous l’uniforme allemand alors que même la division est dissoute, ils suivent les troupes allemandes en Hongrie et en Autriche contre l’Armée rouge pour rentrer combattre dans l’ex-Yougoslavie.

 

De la lutte contre les partisans au génocide

La participation de la division à l’entreprise génocidaire est réelle mais limitée. Elle commence en mars et en s’achève en novembre 1944, date de la dissolution de l’unité. En effet, formée tardivement, 90 % de la population juive a déjà été exterminée quand la 13e division intervient en Bosnie. L’antisémitisme est certes présent, mais la carte des opérations montre qu’ils ont principalement agi contre les partisans massacrant plusieurs centaines de villageois et plusieurs milliers de partisans dans les Monts Majevica, la forêt de Bosut et les Monts Birac. La participation aux opérations anti partisanes de la division s’achève par l’extermination des Juifs à Zahirocivi selon une modalité opératoire proche de celle des commandos mobiles de tuerie. Les membres de la division tuent également les Juifs revenus ou aidant les partisans, comme les médecins lors des massacres de villages suspects d’aider ces derniers. Enfin, plusieurs centaines des membres de la 13e division SS poursuivent l’œuvre de mort en participant aux massacres contre des Juifs.

Les engagés dans la division ont en échange bénéficié d’avantages matériels. Une sorte d’utopie SS dans laquelle les volontaires sont chargés de faire régner l’harmonie au village et de jouer un rôle pacificateur dans les conflits internes aux communautés villageoises. La dernière phase de la guerre aidant, leur statut change et les combattants se servent sur le dos des populations et contrôlent l’espace pour leur propre profit.

 

Cette riche étude permet de relativiser la place de l’Islam dans la formation et le développement cette division SS dans le système nazi. Elle existe et est indéniable mais a été survalorisée par plusieurs travaux. Une autre caractéristique de la division est son indiscipline, non pas tant face à l’idéologie nazie que vis-à-vis des promesses faites par l’Allemagne et des comportements militaires. Enfin, l’auteur rappelle que la dimension sociale est un élément déterminant, même si, en conséquence, on peut se demander en élargissant le propos si la question sociale ne justifie pas d’autres formes collaborations, mais c’est une autre histoire.